Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’étonnement, « par ce nom devant lequel toutes les créatures tremblent, je te conjure de me dire qui tu es, toi qui me persécutes ainsi : »

La même voix répondit :

Le bien, le mal à mon essence,
Le ciel, l’enfer à ma naissance
Sont également étrangers.
Je suis l’insaisissable brume.
Du ruisseau la changeante écume,
Ou le souffle des vents légers ;

Quelque chose entre la pensée
Et le songe où l’âme oppressée
Vaguement aspire au réveil ;
Une image à peine tracée
Que voit la paupière lassée
Entre la veille et le sommeil ;
Je ne sais quoi qui n’est pas ombre
Et n’est plus jour, quand la nuit sombre
Éteint les rayons du soleil.

« Il y a ici plus que de l’imagination, » dit le sous-prieur en faisant un effort sur lui-même, quoique, malgré sa fermeté naturelle, il sentît son sang se glacer et ses cheveux se hérisser, par la conviction qu’un être surnaturel était réellement près de lui. » Je te somme, » dit-il à haute voix, « de te retirer, quelle que soit ta mission, et de ne plus me persécuter. Esprit impur, tu ne peux remplir d’épouvante que ceux qui mettent de la négligence à remplir leurs devoirs. »

La voix répliqua sur le champ :

Vainement ta voix me commande ;
Ta force n’est point assez grande
Pour enchaîner l’illimité :
Comme la lueur des étoiles,
Je sais, des nuits perçant les voiles,
Franchir d’un saut l’immensité.

Sur la vague je me balance ;
Avec l’orage je m’élance
Sur les ailes de l’aquilon…
Adieu ! beau moine ; mais écoute :
Je serai là-bas sur ta route,
Au prochain détour du vallon.