Deux ou trois ans se passèrent, pendant lesquels la tourmente qui annonçait une altération prochaine dans le gouvernement de l’Église devint de jour en jour plus violente. Par suite des circonstances que nous avons rapportées, le père Eustache parut avoir changé toute sa manière de vivre. Dans toutes les occasions extraordinaires, il prêtait à l’abbé, soit en particulier, soit au chapitre, le secours de sa sagesse et de son expérience : mais dans ses habitudes ordinaires, il semblait vivre plus pour lui-même et moins pour la communauté, qu’il ne l’avait fait jusqu’alors.
Souvent, il s’absentait du couvent pendant des journées entières ; et comme l’aventure de glendearg avait fait une forte impression sur son esprit, il allait volontiers visiter cette tour solitaire et prenait un vif intérêt aux orphelins à qui elle servait d’asile. D’ailleurs il éprouvait une vive curiosité de savoir si le volume qu’il avait perdu, lorsqu’il avait échappé d’une manière aussi étrange à la lance de l’assassin, avait de nouveau été rapporté à la tour de Glendearg. « Il est bien extraordinaire, pensait-il, qu’un esprit, car il ne pouvait nommer autrement la voix qu’il avait entendue, cherche d’un côté à favoriser les progrès de l’hérésie, et d’un autre côté à sauver la vie d’un prêtre catholique zélé. »
Mais de tous les renseignements qu’il demanda aux divers habitants de la tour de Glendearg, aucun ne lui fit connaître que l’exemplaire de la traduction des saintes Écritures, qu’il cherchait avec tant de soin, eût été vu de nouveau par qui que ce fût.