Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/157

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tude, était, par cette raison, aussi bien que parce qu’il était l’aîné, plus propre que son frère à s’occuper des affaires temporelles et à avoir soin du petit fief.

Elspeth n’osait pas refuser ouvertement la proposition du père Eustache, de peur de lui déplaire ; cependant elle avait toujours quelque chose à objecter. Halbert, disait-elle, ne ressemblait à aucun des enfants de ses voisins ; il était plus grand de toute la tête et plus fort de moitié qu’aucun garçon de son âge dans le patrimoine de Sainte-Marie. S’il n’aimait pas un livre, il aimait encore moins la charrue ou la bêche. Il avait dérouillé la claymore de son père, l’avait attachée à un ceinturon autour de son corps et sortait rarement sans l’avoir à son côté. C’était un bon enfant et fort doux, si on lui donnait de bonnes paroles ; mais si on le contrariait, c’était un vrai démon. « En un mot, » disait-elle en fondant en larmes, « si vous me privez d’Édouard, mon révérend père, vous enlevez le seul soutien et le seul appui de ma maison, car mon cœur me dit qu’Halbert adoptera le même genre de vie que son père et mourra de la même mort. »

Lorsque la conversation en était venue à ce point, le bon moine abandonnait volontiers la discussion pour le moment, se flattant qu’il trouverait quelque occasion de dissiper les préventions de dame Glendinning ; car il pensait qu’Elspeth ne pouvait avoir aucune raison fondée contre l’état qu’il voulait faire embrasser à Édouard.

Après avoir quitté la mère, le sous-prieur s’adressait au fils ; Il animait son zèle pour l’étude, et lui faisait sentir combien il serait amplement récompensé s’il voulait entrer dans les ordres sacrés ; mais il trouvait chez lui la même répugnance. Édouard alléguait son manque de vocation pour une profession aussi sérieuse, sa répugnance à quitter sa mère, et faisait d’autres objections que le sous-prieur traitait d’évasives.

« Je vois clairement, » dit-il un jour où il cherchait à les combattre, que l’enfer a ses pourvoyeurs, aussi bien que le ciel ; et ils le sont également, ou plutôt, hélas ! les premiers sont plus actifs à accaparer pour leur maître tout ce qu’il y a de meilleur dans le marché ! Je me flatte, jeune homme, que ni la paresse, ni les plaisirs licencieux, ni l’amour des biens de ce monde, ni celui des grandeurs humaines, appâts sous lesquels le grand pêcheur d’âmes cache son hameçon, ne sont les motifs qui vous détournent de la carrière que je voudrais vous voir parcourir ; mais surtout j’espère que la vanité de posséder des connaissances supérieures,