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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/161

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casque et panache qui manquent de soldats. Qu’ils vous accordent ces misérables acres de terre, et puisse ce champ produire beaucoup de farine d’avoine pour faire votre brochan[1]. » Il sortit précipitamment de la chambre ; mais il rentra un instant après et continua avec la même volubilité et la même exaspération : « Et vous n’avez que faire d’être si fiers ni l’un ni l’autre, et surtout vous, Édouard ; il n’est pas nécessaire de tant vous glorifier de votre livre de parchemin et de votre habileté à le lire. Par ma foi, je saurai avant peu lire aussi bien que vous ; et… je connais un meilleur maître que votre vieux moine refrogné, et un meilleur livre que son bréviaire imprimé. Puisque vous aimez tant la science, Marie Avenel, vous verrez qui en aura le plus, d’Édouard ou de moi. » Il quitta l’appartement et ne revint plus.

« Qu’est-ce qu’il a donc ? » dit Marie en se mettant à la fenêtre et suivant des yeux Halbert, qui d’un pas précipité et inégal remontait le glen sauvage. « Où peut aller votre frère ? Édouard… De quel livre… de quel maître parle-t-il ? »

— Il est inutile de chercher, dit Édouard. Halbert, est en colère sans savoir pourquoi ; il parle sans savoir ce qu’il dit. Reprenons notre leçon ; il reviendra au logis lorsque, selon sa coutume, il se sera bien fatigué à grimper sur les rochers. »

Mais l’inquiétude de Marie au sujet d’Halbert ne pouvait se dissiper aussi vite. Elle refusa de continuer le travail commencé avec tant de plaisir ; elle prétexta un mal de tête ; et le jeune Édouard ne put la déterminer à se remettre à l’étude de toute cette matinée.

Cependant Halbert, la tête découverte, les traits enflés par la colère et la jalousie, et les yeux encore humides, se dirigea, avec la rapidité de l’éclair, vers la partie la plus sauvage du glen, choisissant dans son désespoir les sentiers les plus sauvages et les plus dangereux, et s’exposant volontairement à des périls qu’il aurait pu éviter en se détournant un peu. On aurait dit qu’il voulait que sa course fût directe comme la trace d’une flèche qui vole vers son but.

Il arriva bientôt dans un cleugh étroit et retiré ; ce cleugh ou ravin aboutissait à la vallée, et un petit ruisseau y passait pour aller se jeter dans la rivière de Glendearg. Halbert le remonta

  1. Brochan, mot écossais pour désigner une espèce de mets liquide, composé de farine d’avoine et d’eau bouillante ; il se prend avec du lait ou de l’ale : c’est le déjeuner ordinaire des Écossais. a. m.