Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/164

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étaient fixes, et comme unique preuve qui restât de la ferme résolution dont il avait essayé de s’armer, son épée était dirigée vers l’apparition. À la fin, la Dame Blanche, car c’est par ce nom que nous désignerons cet être, chanta, ou plutôt psalmodia, avec une voix d’une douceur ineffable, les vers suivants :

Beau jeune homme aux yeux noirs, pourquoi m’appelles-tu ?
Ou pourquoi te trouvé-je indécis, abattu ?
Tout commerce avec nous veut des cœurs impassibles :

Et les puissances invisibles

Exigent moins d’audace ou bien plus de vertu.


Un nuage embaumé sur la brise attiédie
Doit me porter aux lieux où fleurit l’oranger ;
Puis on m’appelle aux bords de la riante Asie :

Le temps fuit : le temps est ma vie,

Et qui veut la ravir met la sienne en danger.

La résolution d’Halbert domina enfin son étonnement, et il retrouva assez de voix pour dire, d’un ton encore mal assuré : « Au nom de Dieu ! qui es-tu ? » La réponse fut faite sur une autre mélodie.

Mortel, tu ne peux connaître
Qui je suis ni d’où je viens.
Ton âme à peine pénètre
Un être comme ton être
Et des sens comme les tiens.

Comment pourrais-tu comprendre
Ce qui vit par d’autres lois,
Ce que nul mot ne peut rendre,
Ce que ne saurait l’apprendre
Aucune terrestre voix ?

Ce n’est ni le corps ni l’ombre,
Le ciel, ni l’antre infernal,
Ni le jour, ni la nuit sombre,
Ni l’incertaine pénombre,
Ni le bien, las ! ni le mal.

Mais de la nature entière
Il s’exhale à tous moments
Une essence, une poussière,
Psyché de toute matière,
Fleur de tous les éléments.