Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/188

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Mais l’hôtesse avec sa répugnance, et le nouveau venu avec son dégoût, avaient affaire à un homme intraitable, qui fit cesser toute objection, en disant : « Ainsi le veut mon maître : et, continua-t-il, la volonté du baron d’Avenel est et doit être une loi pour tous ceux qui habitent à dix milles à la ronde. Cependant, voici, madame, une lettre de votre baron en jupon, votre seigneur prêtre, qui vous enjoint, si vous voulez lui être agréable, de faire vos efforts pour procurer à ce jeune cavalier toutes les commodités qu’il sera en votre pouvoir de lui offrir. Quant à vous, sir Piercy Shafton, continua Christie, vous penserez si le secret et la sûreté ne sont pas plutôt ce qu’il vous faut maintenant, qu’un bon lit et une table splendide. Ne jugez pas des biens de la dame par l’extérieur de son habitation : le dîner vous montrera que l’on trouve rarement les vassaux du clergé le panier vide. »

Tandis qu’il tâchait de réconcilier sir Piercy Shafton avec son sort, la veuve ayant fait lire par son fils Édouard l’injonction du seigneur abbé et vérifié de cette manière les paroles de Christie, pensa qu’il ne lui restait rien autre chose à faire que de chercher à rendre le sort de l’étranger le plus agréable qu’il lui serait possible. Lui-même sembla aussi se conformer à sa situation, sans doute parce que la nécessité l’y obligeait, et accepta de bonne grâce l’hospitalité que la dame lui offrit avec la plus grande indifférence.

Au fait, le dîner qui fuma bientôt devant les hôtes réunis témoignait suffisamment d’une aisance honnête. Dame Glendinning avait servi de son mieux ; et charmée du bel aspect que présentèrent ses mets succulents lorsqu’elle les eut placés sur la table, elle oublia ses projets et le contre-temps qui les faisait manquer, en s’occupant du devoir hospitalier de presser ses hôtes de boire et de manger, surveillant chaque assiette qui se vidait pour la remplir de nouveau avant que personne eût le temps de dire assez.

Pendant ce temps les membres de cette petite société se regardaient attentivement, et semblaient s’efforcer de se former un jugement sur le caractère les uns des autres. Sir Piercy Shafton ne condescendit à parler qu’à Marie Avenel, à qui il prodigua exactement les mêmes complaisances familières, et mêlées d’une sorte de dédain, que les petits-maîtres de nos jours daignent accorder à une demoiselle de province lorsqu’il n’y a pas d’autres femmes plus à la mode. La seule différence qu’il y eût, était que l’étiquette de ces temps ne permettait pas à sir Piercy Shafton de se