Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/190

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la fleur de farine, et s’efforçant, pour son propre usage, de retenir un ou deux mots des perles de rhétorique que sir Piercy Shafton semait autour de lui avec une si abondante profusion.

Parmi les personnages de l’autre sexe qui formaient cette petite société, Édouard rougissait de ses propres manières, et de la lenteur de sa conversation, lorsqu’il observait que le jeune et beau courtisan effleurait tous les sujets de la galanterie la plus extravagante avec une volubilité et une aisance vraiment merveilleuses. Il est vrai que le bon sens et le goût naturel du jeune Glendinning lui firent bientôt découvrir que le galant cavalier ne parlait que de choses futiles. Mais, hélas ! quel est l’homme d’un mérite modeste et d’un véritable talent qui n’ait pas souffert en se voyant éclipsé dans une compagnie et devancé dans le cours de la vie par ces hommes plus hardis et ayant des qualités plus éclatantes, quoique si peu solides ? Bien supérieur est l’esprit qui peut, sans envie, céder le prix à un rival moins digne que lui.

La philosophie d’Édouard n’était pas si élevée : tandis qu’il méprisait le jargon de l’étincelant chevalier, il enviait la facilité avec laquelle il s’en servait, aussi bien que l’inflexion pleine de grâce de son accent, et la parfaite aisance, l’élégance toute particulière avec laquelle il remplissait ces petits devoirs de politesse que l’on trouve occasion de remplir lorsque l’on est à table. Et pour ne point cacher la vérité, je dois avouer qu’il était d’autant plus jaloux de ces qualités qu’elles n’étaient mises en œuvre que pour Marie Avenel ; et quoique ces attentions ne fussent acceptées que parce qu’elles ne pouvaient être refusées, l’étranger témoignait ainsi le désir de se mettre dans les bonnes grâces de la seule personne qu’il croyait digne, dans cette rustique société, de recevoir ses hommages. Le titre de cet individu, son rang, sa belle taille, et même quelques étincelles d’esprit et de vivacité, qui çà et là traversaient le nuage d’absurdités qu’il débitait, le rendaient, comme dit la vieille chanson, le chevalier fait pour charmer une dame, tellement qu’Édouard, avec son mérite réel et ses connaissances, vêtu d’un pourpoint filé au logis, d’un bonnet bleu, et d’un haut-de-chausses de peau de daim, ne semblait qu’un paysan auprès du courtisan ; en voyant son infériorité, il n’éprouvait guère de bonne volonté pour celui qui le mettait dans l’ombre.

D’un autre côté, Christie ayant satisfait son vaste et accommodant appétit, par les moyens dont se servent les gens de son métier, tels que le loup et l’aigle, pour se gorger dans un repas