Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/193

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avoir enivré ses oreilles de ce qu’elle ne peut comprendre, de même qu’un palefroi écoute un luth dont il ne connaît pas la gamme.

— Voilà des mots bien merveilleux, » dit à la fin la dame Glendinning, qui commençait à se lasser d’être assise sans proférer une parole ; « voilà des mots bien merveilleux, voisin Happer, ne le trouvez-vous pas ?

— De beaux mots, de très-beaux mots, de très-excellents mots, répondit le meunier ; néanmoins, pour dire ma pensée, je préfère une petite mesure de son à un boisseau de ces belles choses.

— Je pense comme vous, avec la permission de Sa Seigneurie, » dit à son tour Christie de Clint-Hill. « Je me rappelle qu’à la course de Morham, ainsi que nous la nommions, près Berwick, avec ma lance je fis sauter de dessus la selle un jeune homme du Midi[1], et le jetai à peu près à la distance d’une gad[2] de son cheval ; et comme il y avait un peu d’or sur son justaucorps, je crus qu’il pourrait aussi en avoir dans sa poche, quoique ce ne soit pas une règle générale ; et comme je lui parlais de sa rançon, il me jeta au nez une poignée d’expressions semblables à celles que Sa Seigneurie nous a prodiguées, et implora ma miséricorde en disant que j’étais un vrai fils de Mars, et mille choses de même espèce.

— Et il ne put l’obtenir de toi, je le parierais, » dit le chevalier qui ne daignait parler euphuisme[3] qu’aux dames.

« Ma foi, répliqua Christie, je lui aurais percé la gorge de ma lance, lorsque le vieil Hunsdon et Henry Carry enfoncèrent la maudite porte de la poterne, et ceux qui étaient sur leurs talons tournèrent la cape vers le nord. Aussi moi-même je piquai Bayard de l’éperon, et suivis mes compagnons ; car un homme peut galoper lorsqu’il ne peut combattre, comme on dit dans le Tynedale[4].

— En vérité, dit le chevalier se retournant encore du côté de Marie Avenel, « croyez que je vous plains, mylady, vous qui sor-

  1. Un jeune Anglais. a. m.
  2. Mot écossais pour fishing-rod, la gaude servant à attacher la ligne du pêcheur, longue d’environ quinze pieds. a. m.
  3. Expression formé de deux mots grecs, εὒ, bien, et ρὐω, je fais naître ; comme on dirait, heureuse nature. a. m.
  4. Mot formé de Tyne, rivière du comté de Northumberland, et dale, vallon. a. m.