Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Beaucoup de romans excellents ont été composés dans cette vue de la vie humaine, où le héros est conduit à travers une variété de scènes détachées, dans lesquelles les divers agents paraissent et disparaissent, sans peut-être avoir aucune influence permanente sur le progrès de l’histoire. Telle est la structure de Gil Blas, de Roderick Random, et tels sont les vies et aventures de beaucoup d’autres héros, décrites comme roulant à travers différentes stations de la vie, et rencontrant divers incidents liés seulement les uns aux autres, comme étant arrivés au même individu dont l’identité les unit, comme la corde d’un collier tient unis les grains qui autrement sont détachés.

Mais, quoiqu’un tel cours d’aventures mal unies soit ce qui arrive le plus fréquemment dans la nature, cependant la province adoptée par l’écrivain romancier étant artificielle, on doit exiger de lui plus qu’une simple complaisance avec la simplicité du vrai ; de même que nous demandons à un jardinier savant qu’il arrange en nœuds curieux et en parterres habilement dessinés les fleurs que l’indulgente nature distribue librement sur la montagne et dans le vallon. Fielding, dans la plupart de ses romans, mais surtout dans Tom Jones, son chef-d’œuvre, a ainsi établi l’exemple remarquable d’une histoire bâtie suivant les règles, et d’accord dans toutes ses parties, histoire où le plus léger incident, l’introduction d’un personnage quelconque, tend à avancer la catastrophe.

Demander une égale correction et un égal bonheur à ceux qui peuvent suivre les traces d’un romancier aussi habile, serait beaucoup trop exiger ; ce serait enchaîner le pouvoir de donner du plaisir en l’entourant de règles pénibles, puisqu’on peut spécialement dire de cette sorte de littérature légère :

Tous les genres sont bons hors le genre ennuyeux.

Toutefois, plus l’histoire est serrée et heureusement combinée, et plus la catastrophe est naturelle et heureusement amenée, plus une telle composition approchera de la perfection de l’art du romancier, et un auteur ne peut pas négliger cette branche de sa profession sans encourir une censure proportionnée à sa négligence.

Le Monastère ne donnait que trop prise à la critique. L’intrigue du roman, peu intéressante par elle-même, et détaillée avec peu de bonheur, se trouve à la fin dégagée par la reprise des hostili-