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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/222

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— Ne ferions-nous pas mieux, dit l’abbé, de l’expédier à la cour d’Écosse, et de nous débarrasser par ce moyen de sa personne.

— Oui, mais aux dépens de nos amis. Le papillon peut déployer ses ailes et demeurer inconnu dans l’air froid de Glendearg ; mais s’il était à Holy-Rood, il voudrait, au péril de ses jours, étaler toutes ses paillettes aux yeux de la reine et de la cour ; plutôt de n’être pas remarqué, il aimerait mieux risquer sa vie pour l’amour de notre aimable souveraine. En moins de trois jours on verrait tous les yeux dirigés vers lui, et la paix qui existe entre les deux bouts de l’île compromise par une créature qui, telle qu’un insensé papillon, ne peut s’abstenir de voltiger autour d’une lumière.

— Tu l’emportes sur moi, frère Eustache, dit l’abbé, et je pourrais à peine penser plus sagement. J’enverrai en secret non seulement quelques meubles, mais encore du vin et du pain de froment. Il y a ici un jeune homme qui tuera du gibier ; je lui donnerai des ordres pour que le chevalier n’en manque pas.

— Il est de notre devoir de lui procurer toute l’aisance dont il pourra jouir ici sans courir le risque d’être découvert, dit le sous-prieur.

— Sans doute, répondit l’abbé. Nous ferons plus ; je dépêcherai tout de suite un domestique au conservateur de notre garde-meuble pour nous envoyer ce dont il a besoin cette nuit même. Veillez à cela, bon frère.

— J’y vais, répliqua le frère Eustache ; mais j’entends notre fâcheux crier qu’on vienne lui nouer quelques-unes de ses aiguillettes[1]. Il ne sera pas malheureux s’il rencontre ici quelqu’un qui puisse remplir auprès de lui le service de valet de chambre.

— Je voudrais qu’il fût prêt, dit l’abbé, car voilà le sommelier qui apporte la collation ; par ma foi ! la route m’a donné un fameux appétit. »

  1. C’étaient des cordons de soie ou de rubans, appelés aiguillettes à cause de l’aiguille de métal qui les terminaient par les deux bouts (comme les lacets de nos dames). Ces aiguillettes servaient à attacher le pourpoint aux culottes ; il y en avait un grand nombre, et pour les nouer convenablement, il fallait souvent requérir une assistance. a. m.