Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/259

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Avec un salut affectueux il sortit de l’appartement sans écouter dame Glendinning qui se hâtait de l’assurer qu’il trouverait un repos beaucoup plus agréable que la nuit précédente ; car il y avait une quantité de chaudes couvertures et un bon lit de plumes que l’abbé avait envoyés. Mais le preux chevalier pensait sans doute que l’honneur et l’effet de son exil seraient affaiblis s’il sortait de son héroïsme pour s’entretenir d’objets si peu relevés et si peu dignes de lui ; c’est pourquoi il se hâta de quitter l’appartement avant d’entendre ce que voulait lui dire son hôtesse.

« Voilà un agréable gentilhomme ! dit dame Glendinning ; mais il est vraiment un peu bizarre ; il chante une jolie chanson, quoique tant soit peu trop longue. Vraiment sa compagnie me plaît beaucoup ; je voudrais bien savoir quand il s’en ira. »

Ayant ainsi exprimé le respect qu’elle portait à son hôte, non sans donner à entendre qu’elle était extrêmement fatiguée de sa présence, la bonne dame donna le signal de se séparer, et enjoignit à Halbert d’accompagner sir Piercy le lendemain matin, comme celui-ci l’avait demandé.

Étendu sur son lit à côté de son frère, Halbert enviait le profond sommeil dont jouissait Édouard, tandis que sa paupière à lui ne pouvait se clore un instant. Il reconnut alors ce que l’esprit avait indiqué d’une manière si obscure en lui accordant le don qu’il réclamait si follement, et qui avait plutôt contribué à son malheur qu’à sa félicité. Il voyait, mais trop tard, les embarras et les infortunes qui menaçaient ses chers parents, soit que ce duel amenât sa perte, soit qu’il lui donnât la victoire. S’il succombait, il pouvait dire pour lui-même : « C’en est fait, tout est fini pour moi ! » Mais il était persuadé qu’il jetterait sa mère et sa famille dans la misère et dans le désespoir. Cette pensée lui faisait redouter l’aspect de la mort, qui par elle-même n’a rien d’agréable. Sa conscience lui murmurait que le ressentiment de l’abbé s’appesantirait et sur sa mère et sur son frère, et ne pourrait être détourné que par la générosité du vainqueur. Et Marie Avenel ! s’il périssait dans le combat, il semblerait avoir été non seulement incapable de la protéger, mais peu soucieux de la livrer à la misère, elle et la maison qui l’avait recueillie dès son enfance. L’idée d’un pareil sort ajoutait même à l’amertume des sentiments qu’éprouve l’homme le plus brave dans une querelle plus juste et dans l’attente d’un combat moins inégal, la première fois qu’il s’engage dans une affaire de cette nature. Mais quels que fussent les