Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/27

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gros outil à dégrossir, je ne me privasse d’un des doigts que le hussard m’avait laissés.

J’essayai la lecture, et je parcourus les livres du petit cabinet littéraire, aussi bien que ceux de la bibliothèque établie plus en grand, et dans un genre plus relevé, par des souscripteurs plus intelligents ; mais ni le style léger des uns, ni les sujets plus sérieux des autres ne répondirent à mon attente. En général, je m’endormais à la quatrième ou cinquième page d’une histoire ou d’une dissertation, et il me fallait un mois entier de lecture continue pour arriver à la conclusion d’un mauvais roman cartonné, encore devais-je endurer toutes les requêtes qui m’étaient adressées par la plus mince fille de boutique de la marchande de modes, afin que j’eusse à rendre les volumes que je gardais trop longtemps à son gré. En un mot, pendant que chacun au village avait quelque chose à faire, je n’avais absolument d’autre occupation que celle de me promener dans le cimetière et de siffler en attendant le dîner.

Pendant ces promenades, les ruines du monastère attirèrent nécessairement mon attention, et peu à peu je me sentis entraîné à en étudier les détails les plus minutieux, ainsi que le plan général. Le vieux sacristain m’aida dans mes recherches, et me communiqua tout ce qu’il possédait en fait de traditions antiques. Chaque jour ajouta quelque parcelle au trésor de mes connaissances sur l’ancien état de ce bâtiment, et, à la fin, je réussis à faire des découvertes intéressantes sur la destination de plusieurs parties détachées et aujourd’hui tombant en ruine, destination qui jusqu’alors était restée totalement inconnue, ou dont on n’avait que des notions très-imparfaites.

Ayant acquis des connaissances aussi étendues, il m’arrivait très-souvent d’avoir occasion de les communiquer aux voyageurs que la curiosité attirait dans cet endroit célèbre. Sans empiéter sur le privilège de mon ami le sacristain, je devins peu à peu le cicerone en second ; je partageai la tâche des descriptions et des explications. Souvent même, lorsqu’il survenait de nouveaux visiteurs, le sacristain me renvoyait ceux à qui il avait raconté la moitié de son histoire, en ajoutant d’un air d’importance : « Qu’ai-je besoin d’en dire davantage ? vous avez là le capitaine qui en sait plus que moi, ou que toute autre personne vivante. » Alors il fallait me voir saluer les étrangers de la manière la plus courtoise, et les étonner par mes discours sur les cryptes et les sanctuaires,