Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/294

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Malgré sa singulière position, et malgré les sensations pénibles qu’elle faisait naître en lui, Halbert ne put se défendre d’un sentiment d’intérêt, d’un mouvement de curiosité envers la dame si peu regardée et si négligée, qui était assise près de la cheminée ; il remarquait avec quelle timide et quelle tendre sollicitude elle était aux aguets des moindres mots que Julien laissait échapper quand il parlait à l’oiseau, et l’expression de ses regards qu’elle levait à peine sur le baron, toute prête à les détourner si elle pensait seulement qu’il s’en aperçût.

Durant ce temps, Julien Avenel jouait par intervalle avec son favori emplumé, tantôt lui donnant, tantôt lui retirant les morceaux dont il le nourrissait, prenant plaisir à tromper et à satisfaire tour à tour l’avidité de son faucon. « Eh quoi, encore, vilain oiseau ! tu n’en aurais jamais de trop ; qu’on te donne un morceau, tu veux tout avoir. Oui, fais la coquette avec tes plumes, rengorge-toi ; penses-tu que je ne te connaisse pas ? crois-tu que je ne voie pas que tous ces gonflements de plumes, tous ces battements d’ailes ne sont point pour ton maître, mais bien pour essayer si tu tireras quelque chose de lui, gourmande que tu es. Bien, c’est cela ; allons, prends encore. Es-tu contente ? Petit cadeau va loin avec toi et avec tout ton sexe. »

Il cessa de regarder le faucon et se mit de nouveau à arpenter la salle ; puis prenant sur un plateau un second morceau de la viande découpée pour cet usage, il se remit à tenter et agacer l’oiseau en le lui présentant et le retirant aussitôt ; il réveilla ainsi le naturel carnassier et sauvage de son hôte emplumé. « Ah, ah ! tu fais la méchante, tu te débats, tu me donnes des coups de bec, tu as recours à tes serres[1]. Là, là tu voudrais prendre ta volée, sans doute ? mais la courroie est passée dans tes pattes, petite mutine ? tu ne peux remuer ni voler sans que je le veuille ; cessez ce jeu, petite folle, ou l’un de ces jours je vous tordrai le cou. Allons, prends cela, régale-toi : holà, Jenkin ! » Un homme de sa suite se présenta. « Tenez, prenez-moi cette petite méchante, et portez-la au perchoir ; j’en suis las. Prenez garde à son vol ; ayez bien soin de la baigner ; demain nous verrons comme elle volera. Comment, Christie, sitôt de retour ? »

Christie s’avança vers son maître, et lui rendit un compte exact de son voyage, de la même manière qu’un officier de police

  1. En beau langage de fauconnerie, les serres du faucon sont appelées singles. a. m.