Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/321

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qu’un bœuf trop pressé de l’aiguillon devient furieux. Que puis-je vous dire d’un jeune vagabond qui m’a quitté deux heures après le lever du soleil ?

— Mais vous pouvez dire en quelles circonstances vous vous êtes séparés l’un de l’autre ?

— Au nom du diable ! quelles sont les circonstances que vous voulez que je vous explique ? car, bien que je proteste contre cette contrainte, comme indigne et injurieuse pour les lois de l’hospitalité, je voudrais de bon cœur mettre fin à cette discussion, si toutefois des paroles peuvent la terminer.

— Si les paroles ne le peuvent, répartit Édouard, mon bras saura y parvenir, et sur-le-champ.

— Paix ! jeune homme impatient ! s’écria le sous-prieur ; et vous, sir Piercy Shafton, apprenez-moi, je vous prie, pourquoi l’herbe est teinte de sang près de la fontaine de Corrie-nan-Shian, à l’endroit où vous vous êtes séparé d’Halbert Glendinning, comme vous l’avouez vous-même ? »

Déterminé à ne point avouer sa défaite, s’il lui était possible de l’éviter, le chevalier répondit avec hauteur qu’il croyait qu’il n’était nullement étonnant de trouver l’herbe teinte de sang dans un endroit où des chasseurs avaient tué un daim.

« Et avez-vous enterré votre gibier après l’avoir tué ? demanda le moine. Il faut que vous nous appreniez quel est celui que renferme ce tombeau, ce tombeau nouvellement creusé et dont les bords sont si vivement colorés de sang. Vous voyez que vous ne pouvez me tromper ; soyez donc sincère, et dites-nous le destin de ce malheureux jeune homme dont le corps est sans doute couché sous cette herbe sanglante.

— Si cela est, dit sir Piercy, il faut qu’il ait été enterré tout vivant ; car je vous jure, révérend père, que ce jeune paysan m’a quitté en parfaite santé. Ordonnez que l’on fouille ce tombeau ; et si l’on y trouve son corps, agissez à mon égard comme bon vous semblera.

— Il ne m’est pas permis de décider de votre destin, sir chevalier : ce droit appartient à notre père abbé et à son révérend chapitre ; mon devoir se borne à recueillir les informations qui sont le plus propres à éclairer leur sagesse.

— Si ce n’est pas trop de curiosité, révérend père, répartit le chevalier, je désirerais connaître celui dont le témoignage a attiré sur moi des soupçons aussi mal fondés.