Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/329

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ajoutant d’autres courtoisies pleines de grâce et d’imagination. J’y étais porté plutôt par ma bonté que par son mérite, ou peut-être faisais-je comme le joyeux chasseur qui, pour ne pas rester en repos, tire sur les corbeaux et les pies, faute de meilleur gibier…

— Marie Avenel vous sait bon gré de votre attention, reprit le moine ; mais à quoi nous mène ce détail de galanterie passée et présente ?

— Maudite soit la conclusion, reprit le chevalier : c’est qu’il faut que cette belle que j’appelle ma Discrétion soit ensorcelée, ou je le suis moi-même ; car au lieu de me recevoir par un salut de satisfaction, de répondre à mon regard par un demi-sourire, d’accompagner mon départ d’un léger soupir (et je vous proteste que cet honneur a été accordé plus d’une fois à mes services par les plus nobles danseuses et les plus fières beautés de Félicia), elle a toujours été aussi froide, aussi peu attentive envers moi, que si j’eusse été quelque rustique habitant de ces froides montagnes. Bien plus, ce jour même, tandis que j’étais agenouillé à ses pieds pour lui offrir ces services qui sont la quintessence de l’esprit le plus pur que distillent les plus belles mains de la cour de Félicia, elle me repoussa loin d’elle, et ses regards exprimaient la répugnance ; il me semble même qu’elle a allongé son pied comme si elle eût voulu me chasser loin d’elle. Ces faits, révérend père, sont étranges, de mauvais augure, et surnaturels ; ils sont les symptômes du sortilège et de l’enchantement le plus complet. Maintenant que j’ai fait à Votre Révérence le récit simple et exact de tout ce que je sais à ce sujet, je laisse à votre sagesse de résoudre le problème ; quant à moi, j’ai intention de partir demain à la pointe du jour pour me rendre à Édimbourg.

— Je regrette d’être obligé de m’opposer à vos desseins, sir chevalier, dit le moine ; mais cela n’est pas possible.

— Comment, révérend père ? » dit le chevalier avec la plus grande surprise : « si vous voulez parler de mon départ, vous saurez qu’il faut qu’il soit possible, car je l’ai résolu.

— Sir chevalier, reprit le sous-prieur, je suis contraint de vous répéter que cela est impossible avant que nous connaissions le bon plaisir de l’abbé de Sainte-Marie sur ce point.

— Mon révérend, » dit le chevalier en prenant un air de grande dignité, « j’offre mes remercîments et mes hommages à votre abbé ; mais, quant à ce point, je n’ai rien à démêler avec son bon plaisir, car je n’ai intention de consulter que le mien.