Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/331

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En parlant ainsi, le sous-prieur frappa dans ses mains et appela à haute voix. Édouard entra, accompagné de deux jeunes gens bien armés qui s’étaient déjà joints à lui.

« Édouard, dit le père Eustache, vous donnerez ici au chevalier anglais ses aliments et toutes les choses nécessaires pour passer la nuit ; vous le traiterez avec les mêmes égards que si rien ne s’était passé entre vous. Mais vous placerez une garde suffisante, et vous aurez l’œil à ce qu’il ne s’évade pas. S’il cherchait à employer la force, résistez, au péril de sa vie ; mais en tout autre cas, je vous rends responsable du moindre cheveu de sa tête.

— Pour que j’obéisse à vos ordres, mon révérend père, reprit Édouard Glendinning, il ne faut pas que je me trouve en sa présence, car j’aurais honte de troubler la paix de Sainte-Marie ; mais je n’aurais pas moins de honte de laisser sans vengeance la mort de mon frère. »

En parlant ainsi, ses lèvres devinrent livides et le sang se retira de ses joues. Il s’apprêtait à sortir de l’appartement, quand le sous-prieur le rappela, et lui dit d’un ton solennel : « Édouard, je vous connais depuis votre enfance, et j’ai fait pour vous tout ce qu’il m’était possible de faire ; je ne parle pas de ce que vous me devez comme représentant de votre supérieur spirituel ; je ne dis rien des devoirs du vassal envers le sous-prieur : mais le père Eustache s’adresse à son élève ; il espère qu’Édouard Glendinning ne voudra pas, par un acte de violence (quelque justification que lui présente son propre jugement), manquer au respect qu’il doit à la justice publique, ni à celui que j’ai particulièrement le droit d’attendre de lui.

— Ne craignez rien, mon révérend père (car je vous dois ce nom à plusieurs titres) ; ne craignez pas que j’oublie le respect que je dois à cette vénérable communauté qui nous protège depuis si long-temps, encore moins que je manque jamais au respect que j’ai pour vous personnellement ; mais ce ne sera pas en vain que le sang de mon frère criera vengeance. Votre Révérence connaît les usages de nos frontières.

La vengeance m’appartient, dit le Seigneur, et je m’en acquitterai. Cette coutume païenne de combats à mort, qui se propage dans le pays, qui fait que chaque homme venge de sa propre main la mort d’un ami ou d’un parent, cette coutume arrose nos vallons de sang écossais ; on n’en finirait pas s’il fallait rapporter les résultats funestes de ces dissensions particulières. Sur la frontière de