Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/333

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qu’il ne sera pas vengé, je ne connaîtrai pas le repos. Ma pauvreté et mon rang obscur ne protégeront pas le puissant meurtrier. Mon caractère calme et mes études paisibles ne seront pas pour lui une protection ; les obligations même que j’ai contractées envers vous, révérend père, ne pourront le sauver. J’attends avec patience le jugement de l’abbé et du chapitre sur l’assassinat de leur fidèle vassal. S’ils font justice à la mémoire de mon frère, tout est bien ; mais écoutez-moi, mon père : s’ils y manquent, je possède un cœur et un bras qui, quoique je n’aime pas de semblables extrémités, sauront rectifier cette erreur. Celui qui succède à son frère doit venger sa mort. »

Le moine vit avec surprise qu’Édouard, malgré sa modestie, son humilité et sa soumission, car tels étaient les traits principaux, de son caractère, conservait les principes farouches de sa race ; ses yeux étincelaient, tout son corps était agité, et la violence de son désir de vengeance le poussait à une exaltation qui ressemblait à l’impatience de la joie.

— Que Dieu nous soit en aide ! dit le père Eustache, car nous sommes de si frêles créatures que nous ne pouvons pas nous-mêmes résister à la tentation. Édouard, je compte sur votre parole, que vous ne ferez rien précipitamment.

— Non, certainement, dit Édouard ; je vous le promets, mon excellent père ; mais le sang de mon frère !!! les larmes de ma mère, et… et…. et celles de Marie Avenel, ne couleront pas en vain. Si ce Piercy Shafton a tué mon frère, il mourra, quand même le sang de la maison entière des Piercy coulerait dans ses veines. »

Le ton d’Édouard Glendinning annonçait une résolution inébranlable ; le sous-prieur soupira, et pour le moment, cédant aux circonstances, il se contenta de la promesse de son élève. Il ordonna qu’on plaçât des lumières dans la chambre au-dessous, et il s’y promena long-temps en silence.

Mille idées différentes, mille sentiments opposés se combattaient dans son âme. Il avait bien des doutes sur le rapport du chevalier au sujet du duel et de ce qui l’avait suivi ; cependant les aventures surnaturelles qui étaient survenues à lui-même et au sacristain, dans cette même vallée, l’empêchaient d’être absolument incrédule sur la blessure et la guérison merveilleuse de sir Piercy Shafton, et ne lui permettaient pas de traiter d’impossible ce qui était tout à fait improbable. Il ne savait plus comment s’y prendre