Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne devrais-je pas annoncer ces heureuses nouvelles à sa mère infortunée ? se dit le père Eustache ; non je ferai mieux d’attendre le résultat des recherches qu’ils sont allés faire au tombeau. Eh bien ! monsieur l’homme d’importance, quel est donc ce message de votre maître ?

— Mon seigneur et maître, reprit Christie, a de bonnes raisons de craindre, d’après les avis de certains amis secrets qu’il récompensera à loisir, que votre honorable communauté ne soit portée à croire qu’il est malintentionné envers la sainte Église, allié aux hérétiques et aux fauteurs de l’hérésie, et qu’il convoite les dépouilles de votre abbaye.

— Soyez bref, mon ami, car le diable n’est jamais plus à craindre que lorsqu’il s’avise de prêcher.

— Eh bien, au fait donc ! mon maître vous demande votre amitié ; et pour se justifier des calomnies des méchants, il envoie à votre abbé ce Henri à Warden dont les sermons en Écosse ont causé tant d’agitation dans le monde pour qu’il soit traité selon les règles de la sainte Église et le bon plaisir de l’abbé. »

Les yeux du sous-prieur à cette nouvelle étincelèrent de joie ; car il savait qu’on regardait comme une affaire très-importante l’arrestation de cet homme, remarquable par un si grand zèle et une telle popularité que les sermons de Knox lui-même n’avaient été ni plus influents sur le peuple ni plus redoutables pour l’Église de Rome.

Dans le fait, cet ancien système, qui s’accommodait si bien avec les besoins et les vœux d’un âge de barbarie, depuis la découverte de l’imprimerie et la propagation graduelle des connaissances, se reposait à fleur d’eau, semblable à un monstrueux léviathan, contre lequel dix mille réformés lançaient leurs harpons avec acharnement. L’Église catholique d’Écosse en particulier était aux abois, suant sang et eau, et soutenant encore, par des efforts désespérés, l’assaut des ennemis qui de tous les côtés plongeaient leurs armes dans son vaste corps. Dans plusieurs grandes villes, les monastères avaient été supprimés ; dans d’autres endroits, les nobles convertis à la religion réformée s’étaient emparés des possessions ecclésiastiques. Néanmoins l’Église de Rome étant encore autorisée par les lois du royaume, elle conservait la jouissance de ses propriétés et de ses privilèges partout où elle pouvait en constater les droits ; la communauté de Sainte-Marie de Keinnaquhair était de ce nombre. Elle avait conservé intégralement ses domai-