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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/372

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ne et son influence. Les hauts barons du voisinage, soit par attachement au parti qui soutenait encore le vieux système de la religion, soit qu’ils eussent été obligés de partager entre eux tous la proie que chacun convoitait en particulier, s’étaient abstenus jusqu’à ce jour de porter la main sur ses possessions. Ils savaient d’ailleurs que la communauté était protégée par les puissants comtes de Northumberland et de Westmoreland dont le zèle ardent causa plus tard le grand soulèvement qui eut lieu la dixième année du règne d’Élisabeth.

Placés dans cette heureuse position, les amis de l’Église romaine, dont la cause déclinait tous les jours, pensèrent qu’un exemple frappant de courage et de résolution, offert dans les lieux où les privilèges de l’Église étaient encore intacts, et où sa juridiction ne lui était pas contestée, pourrait imprimer un sentiment d’effroi aux sectateurs des nouvelles opinions et les réduire au silence ; ce qui, avec la faveur du souverain et la garantie des lois qui les protégeaient toujours, pourrait affermir l’Église dans les possessions qu’elle gardait en Écosse, et peut-être lui faire recouvrer celles qui étaient perdues.

Cette résolution avait été plus d’une fois discutée par les catholiques du nord de l’Écosse, qui en avaient fait part à ceux du sud. Le père Eustache, dévoué à l’Église par ses vœux publics et particuliers, était enflammé de zèle, et même avait opiné pour qu’on exécutât les sentences contre les hérétiques sur le premier prédicant réformateur, ou sur le premier hérétique important qui se hasarderait à franchir les limites de la communauté.

Un cœur naturellement noble et bon fut dans cette circonstance, comme dans beaucoup d’autres, abusé par sa propre générosité. Le père Eustache aurait été un mauvais inquisiteur en Espagne, avec un pouvoir sans bornes et sans responsabilité. Sa rigueur se serait adoucie en faveur du criminel dont le sort aurait dépendu entièrement de lui. Mais, en Écosse, dans la crise où il se trouvait, le cas était bien différent. La question était de savoir si quelque fidèle oserait au péril de sa vie prendre sur lui d’exercer les droits de l’Église. Se présenterait-il quelqu’un qui osât en faveur de sa cause lancer la foudre, ou laisserait-on cette foudre paisible comme celle d’un Jupiter en peinture, objet de dérision et non de terreur ? Les circonstances étaient propres à exalter l’âme d’Eustache, car elles lui commandaient d’assumer sur lui seul les dangers d’une rigide sévérité en exécutant une mesure