« Mon frère vit encore ! mon frère vit encore, révérend père, » s’écria Édouard en entrant. « Nous le reverrons, grâce au ciel. On n’a vu dans tout le Corrie-nan-Shian ni tombeau ni trace de tombeau. Le gazon qui borde la fontaine n’a été touché ni par la pioche, ni par la bêche depuis que le daim y a passé. Il vit aussi sûrement que je vis moi-même. »
La chaleur avec laquelle parlait le jeune homme, la vivacité qui respirait dans ses regards et ses mouvements, sa démarche rapide, son œil ardent, rappelèrent à Henri Warden le jeune Halbert qui lui avait si récemment servi de guide. Il y avait entre les deux frères une forte ressemblance de famille, quoique Halbert eût des formes plus athlétiques, qu’il fût plus alerte, plus grand et mieux proportionné dans sa taille, et qu’Édouard de son côté annonçât dans ses regards plus de finesse habituelle, et un caractère plus profondément réfléchi. Le prédicateur sentit naître sa curiosité à ce récit, ainsi que le sous-prieur.
« De qui parlez-vous, mon fils ? » dit le premier d’un ton aussi indifférent que si son propre destin n’eût pas été sur le point de se décider, et qu’il n’eût pas déjà entrevu l’instrument du supplice suspendu sur sa tête. « De qui parlez-vous ? vous dis-je. Si c’est d’un jeune homme un peu plus âgé que vous ne le paraissez, à la noire chevelure, à la figure ouverte, plus grand et plus fort que vous ne semblez l’être, et qui cependant a beaucoup de votre air et du ton de votre voix ; si c’est là le portrait du frère que vous cherchez, peut-être que je pourrais vous en donner des nouvelles.
— Parlez donc, au nom du ciel, dit Édouard ; c’est un arrêt de vie ou de mort que vous allez prononcer. »