Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/389

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nan-Shian ; mais, ainsi que vous le savez déjà, je ne trouvai ni le tombeau que mon cœur dénaturé brûlait de voir, ni aucun signe que la terre eût été remuée dans l’endroit solitaire où Martin avait vu hier matin le tertre fatal. Vous connaissez nos paysans de la vallée, mon père ; la place a un mauvais renom : ne voyant aucune trace de ce que Martin leur avait rapporté, mes compagnons commencèrent à s’effrayer, et bientôt ils s’enfuirent à travers la vallée, comme des hommes qu’aurait poursuivis la mort en personne. J’avais été trop cruellement trompé dans mes espérances, mon âme était trop agitée pour craindre les vivants ou les morts. Je descendis lentement la vallée, regardant souvent derrière moi, et n’étant pas fâché de la poltronnerie de mes compagnons, qui me laissait la liberté de me livrer sans réserve à ma sombre humeur ; ils étaient déjà hors de ma vue, et avaient disparu dans les détours de la vallée, quand, en me retournant, je vis une femme debout près de la fontaine.

— Faites attention, mon fils, et prenez garde de plaisanter dans votre situation présente.

— Je ne plaisante pas, mon père, il est possible que je ne plaisante plus de ma vie ; au moins il se passera long-temps avant que cela m’arrive. J’ai vu, vous dis-je, la forme d’une femme vêtue d’une robe blanche, telle qu’on figure l’esprit qui veille sur la maison d’Avenel. Croyez-moi, mon père, j’en atteste le ciel et la terre, je ne vous dis rien que je n’aie vu de mes propres yeux !

— Je vous crois, mon fils ; continuez votre étrange récit.

— Tout à coup le fantôme chanta, et voici ses paroles ; ; car tout bizarre que cela puisse vous sembler, elles sont restées dans ma mémoire, comme si je les avais entendu chanter dès mon enfance :

« Toi qui visites ma fontaine
Avec des pensers et des vœux
Empreints d’une secrète haine,
Dont le cœur palpite joyeux
Lorsque ton front fait tant de peine :
Tu ne trouveras dans ces lieux
Le corps ni le tombeau d’un frère ;
Le mort-vivant s’en est allé.
Loin d’ici, jeune téméraire ;
Et va chercher, dans ta colère,
Le vivant en mort affublé.
Oui, c’est au vivant mort au monde
Qu’il le fait songer à t’unir ;