Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/428

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par les faibles gémissements d’une femme, gémissements qu’il ne s’attendait pas à entendre dans ces lieux, avant que la retraite des ennemis eût permis aux parents de venir pour rendre aux morts les derniers devoirs. Il regarda avec anxiété, et il aperçut le corps d’un chevalier couvert d’une brillante armure dont les armoiries, quoique brisées et souillées de fange, attestaient encore un haut rang et une illustre naissance. À ses côtés était une femme couverte d’un manteau de cavalier, et tenant quelque chose serré contre son sein. Halbert reconnut que c’était un enfant. Il jeta ses regards sur les Anglais : ceux-ci n’avançaient point, et le son continuel et prolongé des trompettes, ainsi que les cris des chefs, annonçait que leurs forces ne seraient pas rassemblées dans un instant. Il avait par conséquent le temps de s’occuper de cette malheureuse femme. Il descendit de son cheval et le fit garder par un de ses lanciers ; puis, s’approchant de l’infortunée, il lui demanda du ton le plus doux qu’il pût prendre, s’il pouvait la secourir dans sa détresse. Tout en pleurs, elle ne lui fit point une réponse directe ; mais s’efforçant d’une main tremblante et inhabile de détacher les agrafes de l’armure de tête du chevalier, elle dit d’une voix impatiente et chagrine : « Oh ! il reviendrait à lui sur-le-champ si je pouvais lui donner de l’air : terre, fortune, vie, honneur, je donnerai tout pour ôter ces cruelles plaques de fer qui l’étouffent. »

Celui qui veut apaiser le chagrin ne doit point tirer ses arguments de l’inutilité des espérances les plus trompeuses. Le chevalier était couché comme un homme qui a rendu le dernier soupir, et qui ne doit plus se mêler des affaires de ce monde. Cependant Halbert Glendinning leva la visière et détacha le gorgerin. Alors, à sa grande surprise, il reconnut le visage pâle de Julien Avenel. Sa dernière bataille était livrée ; ce baron farouche et remuant était tombé dans un combat ; il avait trouvé la mort dans son occupation favorite.

« Hélas ! il est mort ! » dit Halbert en s’adressant à la jeune femme, dans laquelle il ne lui fut pas difficile de reconnaître la malheureuse Catherine.

« Oh ! non, non, non, répéta-t-elle, ne dites pas cela ; il n’est pas mort, il est seulement évanoui ; je suis restée moi-même longtemps dans des évanouissements. Mais sa voix m’en faisait sortir lorsqu’il me disait avec affection : « Catherine, ouvre les yeux pour l’amour de moi. » Et maintenant, ouvre les yeux, Julien,