Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/43

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à l’ouvrage, quand il parvint à quelques pierres taillées, qui paraissaient avoir fait partie d’une petite bière, quoique maintenant déplacées et dégradées.

« Écartons ces pierres avec précaution, mon ami, dit l’étranger, de crainte d’endommager l’objet que je viens chercher.

— Ce sont des pierres de première qualité, répliqua le sacristain, et choisies toutes avec soin ; il fallait aux moines tout ce qu’il y avait de meilleur, je vous en réponds. »

Un moment après il ajouta : « Je trouve maintenant quelque chose qui résiste à la pioche ; mais qui paraît n’être ni terre ni pierre. »

L’étranger se baissait avec empressement pour l’aider.

« Non, non ; tout est à moi, s’écria le sacristain, point de partage, ni moitié, ni quart. » Et il retira du milieu des décombres une petite boîte de plomb.

« Vous serez bien trompé, mon ami, dit le bénédictin, si vous vous attendez à trouver là-dedans autre chose que la poussière d’un cœur humain renfermé dans une seconde boîte de porphyre. »

J’intervins comme partie neutre, et prenant la boîte des mains du sacristain, je lui fis observer que lors même qu’elle renfermerait un trésor caché, ce trésor ne pouvait devenir la propriété d’aucun de nous. Ensuite, comme l’endroit où nous étions était trop obscur pour examiner le contenu de la boîte, je proposai de retourner chez David. L’étranger nous pria de prendre les devants, en disant qu’il nous suivrait dans quelques minutes.

Je m’imagine que le vieux Mattocks[1] soupçonna que ces minutes seraient employées à faire de nouvelles découvertes parmi les tombeaux, car il se glissa derrière un pilier de la nef pour observer les mouvements du bénédictin : mais il revint bientôt, et me dit à l’oreille que le monsieur était à genoux sur la pierre froide, et priait comme un saint.

Je retournai doucement sur mes pas, et j’aperçus effectivement le vieillard dans l’attitude où Mattocks l’avait dépeint. Sa prière me parut être en latin, et tandis que sa voix basse mais solennelle s’élevait jusqu’aux voûtes délabrées des deux nefs, je ne pus m’empêcher de réfléchir sur le long espace de temps qui s’était écoulé depuis l’époque où l’on célébrait dans cette église les mystères d’une religion pour l’exercice de laquelle on l’avait construite, au prix de tant de travail et d’argent.

  1. Mot qui veut dire pioche ou piocheur. a. m.