Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/445

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fussent élevés en faveur de la foi chrétienne. Semblable à l’arbre de Bentang des villages africains, ou au chêne de Plaistow dont il est question dans l’histoire naturelle de Selbourne par White, cet arbre était le rendez-vous de tous les villageois, qui avaient pour lui une vénération toute particulière ; sentiment commun à la plupart des nations, et qui peut remonter jusqu’aux époques les plus éloignées, alors que les patriarches servaient les anges sous le chêne de Mambré.

Les moines se rangèrent autour de la croix, tandis que sous les débris du vieux chêne se rassemblèrent, chacun selon son rang, les vieillards, les faibles, et tous ceux qui prenaient part à l’alarme générale. Il se fit alors un silence profond et solennel. Les chants cessèrent, le peuple suspendit ses lamentations, et tous attendirent dans une terreur profonde l’arrivée des hérétiques, que depuis si long-temps ils avaient appris à regarder avec effroi.

On entendit bientôt la marche pesante des chevaux de l’ennemi, et l’on aperçut l’éclat des lances qui brillaient à travers les arbres ; le bruit s’approcha graduellement ; et quelques instants après, la cavalerie parut à la principale entrée qui conduit au square irrégulier, appelé la place du marché, et qui occupe le centre du village. Les cavaliers entrèrent lentement, deux à deux et dans le plus grand ordre. L’avant-garde fit le tour de la place jusqu’au point le plus éloigné, et là les cavaliers s’arrêtèrent en tournant la tête de leurs chevaux du côté de la rue. Leurs compagnons les imitèrent ; et la place fut en peu d’instants entourée de soldats. Les escadrons suivants exécutèrent la même manœuvre, et bientôt la place contint quatre lignes de lanciers, rangées étroitement les unes contre les autres. Il se fit alors un moment de silence dont l’abbé profita pour ordonner aux moines d’entonner le chant lugubre du De profundis clamavi ; puis il promena ses regards sur les soldats armés pour voir quelle impression faisait sur eux ce psaume funèbre. Tous étaient silencieux et immobiles, mais l’expression de quelques visages était celle du mépris ; il ne lut sur tous les autres que celle de l’indifférence : il y avait trop longtemps que ces hommes étaient habitués au tumulte et au carnage de la guerre, pour que l’enthousiasme religieux, ou la terreur superstitieuse pût se réveiller dans leur âme endurcie, à la vue d’une procession ou au chant d’un psaume ou d’une hymne sacrée.

« Leurs cœurs sont pétrifiés, » se dit l’abbé avec tristesse mais sans découragement, et conservant encore quelque espérance :