Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/60

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sa munificence envers l’Église, mais qu’il alliait des vues politiques à sa pieuse générosité. Ses possessions dans le Northumberland et le Cumberland étaient devenues précaires depuis qu’il avait perdu la bataille de l’Étendard[1] ; et comme il avait à craindre que la vallée comparativement fertile de Teviot ne devînt la frontière de son royaume, on peut penser que le roi voulût sauver une partie de ces précieuses possessions en les plaçant entre les mains des moines, dont les propriétés furent long-temps respectées, même au plus fort de la rage des partis guerroyant sur la frontière. Ce n’était que par ce moyen que David pouvait assurer protection et sécurité aux cultivateurs du sol ; en effet, les possessions ecclésiastiques furent pendant plusieurs siècles une terre de Gessen, jouissant d’un calme profond, tandis que le reste de la contrée, occupé par des clans sauvages et des barons maraudeurs, offrait une scène affreuse de confusion, de sang et de licence effrénée.

Mais ces immunités ne se prolongèrent pas jusqu’à l’union des deux couronnes. Dès long-temps avant cette époque, les guerres entre l’Angleterre et l’Écosse avaient perdu leur caractère primitif d’hostilité entre nations, et étaient devenues de la part des Anglais des guerres de conquête, et de la part des Écossais des luttes opiniâtres et désespérées pour la défense de leur liberté. Alors s’enflammèrent des deux côtés une fureur et une animosité dont les époques précédentes ne fournissaient aucun exemple ; et comme les scrupules religieux cédèrent bientôt devant la haine nationale aiguillonnée par l’amour du pillage, le patrimoine de l’Église ne se trouva plus à l’abri des incursions de l’un ou de l’autre parti. Cependant les tenanciers et les vassaux des grandes abbayes avaient encore plusieurs avantages sur ceux des barons laïques ; ces derniers, harassés par un service militaire continuel, finissaient par devenir des brigands désespérés et perdaient toute espèce de goût pour les arts de la paix. Les vassaux de l’Église, au contraire, ne prenaient les armes que dans les occasions de guerre générale ; le reste du temps ils pouvaient jouir assez tranquillement de la possession de leurs fermes et de leurs feus ou fiefs[2]. Ils devenaient ainsi plus habiles dans la culture des terres, et ils étaient par conséquent plus riches que ceux qui formaient la suite militaire de quelque noble turbulent.

  1. Livrée en 1138, dans le comté d’York. a. m.
  2. Petites possessions concédées à des vassaux et à leurs héritiers, pour une