Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/62

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taient souvent des pâturages bien fournis, où les troupeaux de tous les habitants venaient paître en commun pendant l’été. Un berger de la ville était chargé de les conduire régulièrement chaque matin, et de les ramener chaque soir ; précaution utile, sans laquelle ils seraient bientôt devenus la proie de quelques maraudeurs du voisinage. Voilà de ces choses qui font lever les mains et ouvrir de grands yeux à nos agriculteurs modernes ; et cependant ce même mode de culture n’est pas entièrement tombé en désuétude dans quelques cantons reculés, vers le nord de la Grande-Bretagne, et on peut le voir en pleine vigueur et constamment suivi dans l’archipel des îles Shetland.

L’architecture des habitations de ces feudataires de l’Église ne s’écartait pas plus du style primitif que leur agriculture. Dans chaque village ou petite ville, il y avait plusieurs tours ; elles étaient garnies de créneaux qui se projetaient en dehors des murs ; ces tourelles avaient ordinairement un ou deux angles avancés, et des meurtrières pour défendre l’entrée. La forteresse était fermée par une porte en bois de chêne, entièrement garnie de clous, et souvent protégée par une grille extérieure en fer. Ces petits bâtiments fortifiés étaient ordinairement habités par les principaux feudataires et leurs familles ; mais, à la première alarme, tous les villageois en masse quittaient leurs misérables cabanes, et se distribuaient dans les divers points de défense. Pour un parti ennemi ce n’était pas une chose facile que de pénétrer dans le village, car tous les hommes étaient habitués au maniement des arcs et des armes à feu ; et comme en général les tours étaient fort rapprochées les unes des autres, les décharges s’entrecroisaient et rendaient impossible toute attaque particulière.

L’intérieur de ces maisons était ordinairement assez misérable : c’eût été une folie de les meubler de façon à exciter l’avarice des maraudeurs. Néanmoins ces familles paraissaient jouir d’une sorte d’aisance, et avoir plus d’instruction et d’esprit d’indépendance qu’on ne l’aurait soupçonné. Leurs in-fields, ou possessions rapprochées, fournissaient du pain et de l’ale brassée à la maison, et ils trouvaient dans leurs troupeaux de quoi mettre sur leurs tables du bœuf et du mouton, car l’idée extravagante de tuer des veaux ou des agneaux ne leur était jamais venue. Chaque famille tuait un mart[1], ou bœuf gras, en novembre ; on le salait pour l’hi-

  1. Mot écossais pour cow ou vache. Les Écossais appellent mart la quantité de salaison nécessaire pour leur hiver. a. m.