Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/66

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d’autre moyen de les gravir ou de les descendre que de suivre les sentiers que les chèvres ont tracés tout au long. Il était difficile de se figurer qu’une route aussi incommode et aussi rebutante pût conduire à une habitation plus importante que le chalet d’un berger.

Toutefois ce glen isolé, presque inaccessible et stérile, n’était pas dénué de beauté. Le gazon croissant sur le petit terrain plat qui longeait la rivière était aussi vert et aussi touffu que si une centaine de jardiniers eussent été occupés à le faucher tous les quinze jours, et de plus il était émaillé d’une profusion de marguerites et de fleurs champêtres que le tranchant de la faux n’aurait pas épargnées. La petite rivière, tantôt resserrée dans un lit plus étroit, tantôt libre dans le choix de son cours à travers le glen, roulait indifféremment ses eaux, ici rapides, là presque stagnantes, mais toujours belles et limpides, semblables à ces esprits supérieurs qui suivent tranquillement le cours de la vie, en cédant aux obstacles insurmontables ; ou tel le marinier, assailli par un vent contraire, fait louvoyer sa barque et rame avec courage afin que l’arrivée soit retardée le moins possible.

Les montagnes, qu’en écossais on aurait appelées les braes[1], s’élevaient à pic le long du glen. Dans un endroit c’était la surface grise d’un rocher que les torrents avaient dépouillé de sa verdure. Ailleurs on apercevait des bouquets d’arbrisseaux échappés aux bergers et aux chèvres ; ils étendaient naturellement leurs branchages au-dessus des lits des torrents devenus arides, et remplissant la concavité des éboulements de la rive, répandaient une agréable variété sur l’ensemble du paysage. Au-dessus de ces bosquets répandus çà et là, s’élevait la montagne, stérile, mais revêtue de la pourpre majestueuse des bruyères ; cette couleur sombre et riche contrastait magnifiquement avec les groupes de chênes et de bouleaux, les frênes et les églantiers, les aulnes et les trembles enracinés sur la montagne, et avec le gazon velouté qui s’étendait sur les côtés du glen.

Malgré toute cette parure, le paysage que nous venons de décrire ne pouvait être qualifié de sublime ou de magnifique : il était à peine pittoresque. Mais l’extrême solitude de ce lieu oppressait le cœur ; le voyageur éprouvait l’incertitude de savoir où il allait, et où se terminerait un sentier aussi sauvage. Dans cer-

  1. Mot qui proprement signifie déclivité ou pente rapide d’une montagne. a. m.