Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/67

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taines circonstances, cela peut agir plus fortement sur l’imagination que les grands traits d’une magnifique campagne ; par exemple, lorsque l’on connaît la distance exacte de l’auberge où se font les préparatifs de votre dîner. Au reste ces idées se rapportent à un siècle bien postérieur à l’époque des événements que nous rapportons ; alors le beau, le sublime et toutes les nuances intermédiaires étaient des idées totalement inconnues aux habitants de Glendearg et des visiteurs que le hasard y attirait.

Toutefois on avait attaché à ce lieu quelques idées particulières au siècle. Le nom de Glendearg, qui signifie vallée rouge, paraît être dérivé, non seulement de la couleur pourpre des bruyères dont la crête des montagnes était abondamment tapissée, mais encore de la couleur pourpre foncée des rochers et des terrains escarpés, qui, dans le pays, sont appelés scaurs. Il y a un autre vallon aux environs de la source de l’Ettrick, auquel les mêmes circonstances ont fait donner le même nom, et il en existe probablement encore d’autres en Écosse dont on pourrait dire la même chose.

Comme notre Glendearg n’abondait pas en visiteurs mortels, la superstition, afin que le lieu ne fût pas totalement dépourvu d’habitants, avait peuplé ses retraites d’êtres appartenant à un autre monde. Surtout après l’équinoxe d’automne, lorsque les brouillards sont épais, et qu’on ne peut aisément distinguer les objets, on prétendait y voir fréquemment le sauvage et capricieux homme brun des marais, qui paraît être le véritable descendant des nains du Nord. On croyait aussi que les fées de l’Écosse, race fantasque, irritable et méchante, qui, bienveillantes par caprice, étaient plus souvent hostiles aux humains, avaient établi leur résidence dans une retraite sauvage du Glen. Le nom que cette retraite avait reçu par allusion était Corrie nan shian, ce qui signifie en langue celtique corrompue, le Trou des fées, ; mais les habitants du voisinage étaient plus réservés dans leurs discours à ce sujet, et évitaient de donner un nom à cet endroit, d’après la croyance généralement répandue en Écosse, que parler, soit en bien, soit en mal, de cette race capricieuse d’êtres surnaturels, c’est provoquer leur ressentiment ; le secret et le silence, c’est ce qu’ils exigent par-dessus tout de ceux qui peuvent se glisser dans leurs lieux de divertissement, ou découvrir leurs demeures habituelles.