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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/71

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— Pas du tout, pas du tout, répondit le bon capitaine ; il ne sera pas dit que nous avons insulté par un repas joyeux à la douleur d’une veuve pleurant la mort d’un brave soldat. Camarades, volte-face ! Attendez cependant, » ajouta-t-il en retenant son cheval ; « nos partis sont dispersés dans tous les sens, il faut un signe auquel ils puissent reconnaître que vous êtes sous ma sauvegarde. Écoute, mon petit camarade, » dit-il à l’aîné des garçons qui pouvait avoir neuf à dix ans, « prête-moi ton bonnet. »

L’enfant rougit, prit un air de mauvaise humeur, et hésita à faire ce qu’on lui disait ; cependant la mère, après avoir employé les fi donc ! en bien ! comment mon petit ? allons donc, mon ami ! et autres phrases mignardes dont se sert une tendre mère pour gronder un enfant gâté, finit par lui arracher son bonnet, qu’elle présenta au capitaine anglais.

Stawarth Bolton détacha de sa barrette une croix rouge brodée, puis la plaçant dans la ganse du bonnet de l’enfant il dit : « Mistress (car le titre de lady n’appartenait point aux femmes de cette classe), au moyen de ce signe, vous serez à l’abri de tout mauvais traitement de la part de nos fourrageurs. » Il mit le bonnet sur la tête de l’enfant : mais aussitôt le petit diable, les veines gonflées, les yeux en feu et gros de larmes, arracha le bonnet de sa tête, et, avant que sa mère pût l’en empêcher, le fit voler dans le ruisseau. Le plus jeune courut à l’instant retirer le bonnet de l’eau, et le rendit à son frère, après en avoir ôté la croix qu’il baisa avec beaucoup de respect et qu’il mit dans son sein. L’Anglais fut moitié diverti, moitié étonné de cette scène.

« Pourquoi avez-vous jeté la croix rouge de Saint-George ? » demanda-t-il à l’aîné d’un ton qui tenait du badin et du sérieux.

— Parce que saint George est un saint du Sud[1],  » répondit l’enfant d’un air décidé.

— Bon ! dit Stawarth Bolton. Et pourquoi l’avez-vous retirée du ruisseau ? mon petit garçon, demanda-t-il au plus jeune.

— Parce que le prêtre dit que c’est un signe de salut commun à tous les chrétiens.

— C’est encore fort bien, dit le bon capitaine. Je vous proteste, madame, que je vous envie ces deux garçons. Sont-ils tous deux à vous ? »

Stawarth Bolton avait quelque raison pour faire cette question.

  1. Le sud de l’Écosse est l’Angleterre. a. m.