Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/79

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ment à l’est. Dans les cantons sauvages de l’Écosse, le passage d’une vallée à une autre est souvent très-difficile lorsqu’on ne veut pas sans cesse monter et redescendre les collines. Des hauteurs et des fonds, des bruyères et des rochers, croisent continuellement la route et la font perdre à chaque instant ; de sorte que Martin, après avoir long-temps assuré qu’il suivait la même direction, reconnut enfin et fut forcé d’avouer qu’il s’était égaré de la ligne qui devait aboutir à Glendearg ; il soutint néanmoins qu’ils devaient en être très-près. « Si nous pouvons seulement traverser ce vaste marais, dit-il, je suis sûr que nous verrons le sommet de la tour. »

Mais traverser le marais était une chose qui ne présentait pas peu de difficulté. Plus ils avançaient, en prenant toutes les précautions que dictait l’expérience de Martin, plus ils sentaient le terrain devenir mauvais ; bientôt ils traversèrent des endroits si dangereux, que la meilleure raison qu’on se donnât pour avancer fut qu’il y avait un péril égal à reculer.

Lady Avenel avait été élevée d’une manière très-délicate : mais que n’endure pas une femme lorsque son enfant est en danger ? Se plaignant moins des périls de la route que les autres qui étaient endurcis aux fatigues dès leur plus tendre enfance, elle se tenait toujours à côté du cheval, guettant chaque pas qu’il faisait, et prête, s’il se fût enfoncé dans le marais, à enlever son enfant de dessus l’animal.

Enfin ils arrivèrent à un endroit où le guide montra la plus grande hésitation ; partout on ne voyait que des touffes de bruyères, séparées les unes des autres par des bourbiers d’une vase noire et tenace. Après avoir long-temps réfléchi, Martin, se décidant pour le chemin qu’il crut le meilleur, voulut conduire lui-même son cheval, afin que l’enfant courût moins de risque. Mais Shagram frémit, coucha ses oreilles en arrière, allongea ses pieds de devant, et retira sous lui ceux de derrière, de manière à prendre la meilleure position possible pour faire une résistance opiniâtre ; de la sorte il refusa absolument d’avancer dans la direction qui lui était indiquée. Le vieux Martin, fort embarrassé, ne savait s’il devait employer les grands moyens, ou céder à la perverse obstination de Shagram ; le pauvre homme fut encore plus déconcerté lorsque sa femme, voyant Shagram ouvrir de grands yeux, enfler ses naseaux et trembler de terreur, fit entendre que sûrement le cheval voyait plus de choses qu’ils n’en pouvaient voir eux-mêmes.