Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/83

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aussi un grand nombre d’objets de toilette et de ménage, et de l’argent, mais en très-petite quantité ; car les personnes qui menaient le genre de vie de Julien Avenel pouvaient plus aisément se procurer des marchandises de toute espèce que la valeur représentative de ces objets : aussi faisaient-ils presque tous leurs paiements en nature.

Cependant la veuve d’Avenel et celle de Glendinning s’étaient habituées à la société l’une de l’autre, et ne se souciaient nullement de se quitter. La première ne pouvait espérer une résidence plus sécrète et plus sûre que la tour de Glendearg, et elle était alors en état de fournir sa quote-part des dépenses générales de la maison. Elspeth, de son côté, était aussi fière que charmée d’avoir chez elle une dame d’un si haut rang ; elle était donc toujours disposée à montrer à lady Avenel plus de déférence que celle-ci n’en pouvait désirer.

Martin et sa femme remplissaient avec zèle tous les services qu’on leur demandait dans les deux familles ; ils obéissaient également aux deux dames, quoique se considérant toujours comme attachés plus spécialement à lady Avenel. Cette distinction occasionnait quelquefois un léger degré de mauvaise humeur entre Elspeth et Tibbie, la première fort jalouse de sa propre importance, et la dernière disposée à insister un peu trop sur le rang et la famille de sa maîtresse. Mais toutes les deux cachaient soigneusement ces petites querelles à lady Avenel, pour qui la dame Elspeth avait presque autant de respect que la vieille femme de chambre. D’ailleurs ces altercations n’étaient pas poussées au point d’interrompre l’harmonie générale ; car l’une des deux était toujours assez prudente pour céder lorsqu’elle voyait l’autre s’échauffer : Tibbie, bien qu’elle fût souvent la première à provoquer, avait généralement assez de bon sens pour être aussi la première à s’arrêter.

Peu à peu les habitants de ce vallon solitaire oublièrent le monde qui était au-delà de ses étroites limites. On allait seulement, les jours de grande fête, entendre la messe à l’église du monastère ; et lady Avenel oubliait presque qu’elle avait tenu le même rang que les épouses hautaines des barons et des nobles du voisinage, qui venaient en foule à la solennité. Ce souvenir ne lui coûtait pas une larme. Elle avait aimé son mari pour lui-même, et cette perte irréparable avait ôté à toute autre chose le pouvoir de l’intéresser. Il y avait, à la vérité, des moments où