Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/97

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Avenel était étendue dans son lit, épuisée par sa longue conférence avec le confesseur ; en outre, le petit cabinet circulaire de la tourelle, où se trouvait le livre avec d’autres effets, était accessible par une porte dérobée. De tout ce que possédait Alice, son livre eût été la dernière chose qu’elle eût songé à mettre en sûreté ; car de quel usage, ou de quel intérêt pouvait-il être pour une famille dont aucun des membres ne savait lire, et dont tous les amis étaient également illettrés ? Il ne fut donc pas difficile à la dame Elspeth de s’emparer du volume, bien que son cœur lui reprochât ce manque de générosité et sa conduite inhospitalière envers sa malheureuse amie. Mais elle avait devant elle la double autorité d’un propriétaire et d’un supérieur féodal, et, s’il faut tout dire, la hardiesse avec laquelle elle aurait pu résister se trouvait, je gémis de l’avouer, beaucoup affaiblie par sa curiosité. En digne fille d’Ève, elle voulait avoir quelque explication sur ce livre mystérieux tant aimé de milady, et dont cependant elle ne faisait connaître le contenu qu’avec beaucoup de précaution ; car lady Avenel n’avait jamais lu aucun passage avant que la porte de fer de la tour fût fermée, et lorsqu’il n’y avait plus à craindre d’être interrompu par la présence d’un étranger. Alors même elle montrait, par le choix des passages, qu’elle avait plus à cœur de graver de bons principes dans l’âme des personnes qui l’écoutaient que de leur présenter ce livre comme une nouvelle règle de croyance.

Lorsqu’Elspeth, partagée entre la curiosité et le remords, eut remis le livre entre les mains du moine, celui-ci s’écria, après avoir tourné quelques feuillets : « De par l’ordre dont je fais partie ! voilà justement ce que je soupçonnais… Ma mule, ma mule ! je ne veux pas rester plus long-temps ici… Tu as bien fait, dame Elspeth, de mettre entre mes mains ce dangereux volume.

— Est-ce donc un livre de sorcellerie, on un ouvrage du démon ? » dit Elspeth violemment agitée.

« Non, à Dieu ne plaise ! » dit le moine en faisant un signe de croix ; « c’est la sainte Écriture ; mais elle est traduite en langue vulgaire, et par conséquent, d’après les ordres de la sainte Église catholique, elle ne doit pas rester entre les mains des laïques.

— Et cependant c’est la sainte Écriture qui nous a été communiquée pour notre salut commun, dit Elspeth. Mon révérend père, éclairez, je vous prie, mon ignorance ; mais le manque d’esprit ne saurait être un péché mortel, et vraiment, dans ma faible opinion, je serais bien aise de lire la sainte Écriture.