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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/98

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— Je n’en doute nullement, dit le moine, et ce fut ainsi que notre mère Ève voulut acquérir la connaissance du bien et du mal, et ce fut ainsi que le péché s’introduisit dans le monde, et la mort à la suite du péché.

— Oh ! oui, cela est très-vrai, dit Elspeth ; oh ! si elle avait suivi les conseils de saint Pierre et de saint Paul !

— Si elle avait respecté les ordres du ciel, dit le moine, qui, en lui donnant la naissance, la vie et le bonheur, avait attaché à ses dons les conditions qui s’accordaient le mieux avec sa sainte volonté ! Je le dis, Elspeth, que la lettre tue ; c’est-à-dire que le texte seul, lu par un œil inhabile et par des lèvres profanes, est comme ces remèdes violents que les malades prennent d’après l’avis d’un bon médecin ; ceux-ci recouvrent bientôt la santé, tandis que d’autres qui en ont fait usage, d’après leur propre jugement, périssent victimes de leur imprudence.

— Sans doute, sans doute, dit la pauvre femme, Votre Révérence connaît tout cela mieux que personne.

— Ce n’est pas moi, » dit le père Philippe d’un ton d’humilité qu’il pensa convenir au sacristain de Sainte-Marie, » ce n’est pas moi, mais le très-saint père de la chrétienté et notre révérend père le seigneur abbé, qui savent tout cela mieux que personne. Moi, pauvre sacristain de Sainte-Marie, je ne puis que répéter ce que j’entends dire à mes supérieurs. Néanmoins, ma bonne dame, soyez assurée d’une chose ; c’est que la lettre, la simple lettre tue. Mais l’Église a ses ministres pour la commenter et l’expliquer aux fidèles. Et je dis ceci, non pas tant, mes chers frères… je veux dire ma chère sœur (car le sacristain en était venu à la péroraison d’un de ses anciens sermons), je dis ceci, non pas tant des curés, des vicaires et des membres du clergé séculier, ainsi nommé parce qu’il se conforme aux usages du seculum, du siècle, affranchis des liens qui nous séquestrent du monde ; je ne le dis pas non plus des frères mendiants, noirs ou gris, avec crosse ou sans crosse, mais des moines, et particulièrement des moines bénédictins, réformés d’après la règle de saint Bernard de Clairvaux, d’où leur est venu le nom de Cisterciens[1]. Et parmi les membres de cet ordre, mes chers frères, je veux dire ma chère sœur, grand est le bonheur, grande est la gloire du pays

  1. Mot latin anglicisé, pour désigner les moines de l’ordre de Cîteaux. Walter Scott a probablement voulu indiquer l’érudition mal digéré du sacristain, en rattachant ce mot à Clairvaux. a. m.