Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/10

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à se ranger de l’autre côté. Aussi, dans ces temps où de nouveaux dangers menaçaient chaque jour, sir Halbert Glendinning (car il a droit désormais au titre de chevalier) était continuellement appelé près de son patron pour l’accompagner dans quelques expéditions éloignées, dans quelques entreprises périlleuses, ou pour l’aider de ses conseils dans les intrigues difficiles d’une cour à demi barbare. Il faisait donc de fréquentes et longues absences, loin de son château et de sa dame. À cette première cause de chagrin, nous devons ajouter que le ciel ne leur avait point accordé d’enfants, seule distraction qui eût pu charmer les loisirs de lady Avenel, sans cesse privée de la société de son époux.

Elle vivait donc, dans les murs du manoir paternel, pour ainsi dire séparée du reste du monde. Les voisins se visitaient peu à cette époque, si ce n’est dans les occasions solennelles et entre proches parents. Lady Avenel n’en avait plus ; et les dames des barons du voisinage affectaient de la regarder moins comme l’héritière d’une illustre maison, que comme la femme d’un paysan, du fils d’un vassal de l’Église, élevé d’hier à quelque rang par la faveur capricieuse de Murray.

L’orgueil de la naissance, qui remplissait le cœur des plus anciens nobles, se montrait plus à découvert dans la conduite de leurs épouses : il était envenimé d’ailleurs par les discussions politiques de l’époque ; car la plupart des chefs du midi de l’Écosse étaient partisans de la reine et très-jaloux du pouvoir de Murray. Toutes ces circonstances faisaient du château d’Avenel la résidence la plus triste et la plus solitaire qui se puisse imaginer. Toutefois il avait pour lui l’avantage essentiel alors d’être un lieu parfaitement sûr. Le lecteur se rappelle qu’il était bâti sur un petit îlot, au milieu d’un lac, qu’il n’était accessible que par une chaussée, coupée par deux fossés, que l’on franchissait à l’aide de ponts-levis ; de sorte qu’à moins qu’il ne fût attaqué avec de l’artillerie on pouvait le considérer comme imprenable. Il ne s’agissait donc que de le garantir contre une surprise, et six hommes, qui y étaient renfermés, suffisaient pour cela. En cas de dangers plus sérieux, on trouvait une ample garnison dans les habitants mâles d’un petit hameau qui, sous la protection d’Halbert Glendinning, s’était élevé sur une petite esplanade située entre le lac et la colline, près de l’endroit où la chaussée joignait la terre ferme. Il n’avait pas été difficile au lord d’Avenel de peupler le nouveau village ; car, outre qu’il passait pour un bon et généreux