Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/9

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L’ABBÉ
OU
SUITE DU MONASTÈRE.




CHAPITRE PREMIER.

l’enfant sauvé.


Domum mansit, lanam fecit.
Ancienne épitaphe romaine.
Elle a gardé la maison, et s’est occupée à tourner le rouet.
Gawain Douglas[1].


Le temps, qui s’écoule d’une manière si imperceptible, apporte dans nos habitudes, nos mœurs et notre caractère, le même changement graduel qu’il fait éprouver à nos personnes. À la fin de chaque lustre, nous nous trouvons tout autre, quoique nous soyons les mêmes ; la perspective est différente, et nous ne la voyons plus sous le même jour ; nos motifs sont changés, aussi bien que nos actions. Près du double de ce temps avait passé sur la tête d’Halbert Glendinning et sur celle de lady Avenel depuis la conclusion de l’histoire où ils jouent un rôle si important, jusqu’à l’époque où commence celle-ci.

Deux circonstances seulement jetaient quelque amertume parmi les douceurs de cette union embellie par une affection mutuelle : la première, fléau commun à toute l’Écosse, était l’état malheureux de ce pays, déchiré par les dissensions intestines, et où l’épée de chaque homme menaçait à chaque instant le cœur de son voisin. Glendinning s’était montré ce que Murray avait attendu de lui, un ami solide, brave dans le combat, sage dans le conseil, s’attachant à lui par reconnaissance dans des occasions où, sans ce motif, il eût été plus porté à rester neutre, sinon même

  1. Cet ancien poète a traduit l’Énéide en vers écossais, aujourd’hui presque inintelligibles pour les Écossais mêmes. Il vivait dans le XVe siècle. a. m.