Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/106

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quel est, beau sire, le malheureux événement qui les a privés d’un serviteur si estimable ?

— Belle demoiselle, il n’y a, dit le proverbe, si long chemin qui n’ait son terme, et le mien finit singulièrement, car je restai sur le pavé.

— Mais, sans plaisanterie, dit la jeune rieuse, qui a donc amené une si grande catastrophe ? Pour mon instruction, dites-moi clairement pourquoi l’on vous a mis à la porte ? »

Le page haussant les épaules, répondit :

« Une courte histoire est bientôt dite ; un cheval nain est bientôt monté. Je fis sentir ma houssine à l’enfant du fauconnier, et le fauconnier me menaça de me casser son bâton sur le dos. C’était un brave et honnête homme, et j’aimerais mieux être battu par lui que par toute autre personne de la chrétienté ; néanmoins je n’avais pas apprécié encore ses qualités. Je le menaçai de lui faire faire connaissance avec mon poignard : la maîtresse de la maison ne me menaça point… elle me donna sur-le-champ mon congé. C’est ainsi que je quittai les fonctions de page et le beau château d’Avenel. Bientôt après je rencontrai ma vénérable aïeule. Mon histoire est finie, belle demoiselle, contez-moi la vôtre.

— Heureuse grand’mère, dit la jeune fille, qui a trouvé son petit-fils errant au moment où sa maîtresse venait de lui donner la liberté, et plus heureux le page qui tout d’un coup est devenu gentilhomme écuyer ?

— Cela n’a pas de rapport à votre histoire, » répliqua Roland Græme, qui commençait à s’accommoder beaucoup de la vivacité et de l’enjouement de la jeune fille. « Histoire pour histoire, cela va de droit entre compagnons de voyage.

— Attendez donc que nous le soyons.

— Vous ne vous en tirerez pas ainsi ; si vous n’êtes pas juste, j’appellerai dame Brigitte… est-ce son nom ? mais n’importe !… et je me plaindrai de votre félonie.

— C’est inutile ; mon histoire est la copie de la vôtre : les mêmes mots peuvent servir, il n’y a qu’à changer le vêtement et le nom. Je m’appelle Catherine Seyton, et je suis orpheline.

— Y a-t-il long-temps que vos parents sont morts ?

— C’est la seule question, » dit-elle en baissant ses beaux yeux avec une expression soudaine de chagrin ; « c’est la seule question à laquelle je ne puisse satisfaire en riant.

— La dame Brigitte est-elle votre grand’mère ? »