Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/107

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À ce mot, le nuage qui avait couvert ses traits s’évanouit comme celui qui voile un instant le soleil d’été, et elle répondit avec son expression de physionomie accoutumée : « Vingt fois pis ! dame Brigitte est ma tante, et elle est encore fille.

— O ciel ! s’écria Roland, quelle histoire ! et quelles horreurs avez-vous à me conter maintenant ?

— Exactement ce qui vous est arrivé : j’entrai dans une maison.

— Et vous en fûtes renvoyée pour avoir pincé la duègne, ou offensé la femme de chambre de madame.

— Non ; ici notre histoire varie, car la maîtresse congédia toute la maison, ou, ce qui est la même chose, toute la maison congédia la maîtresse en même temps, et je suis libre maintenant comme un oiseau dans l’air.

— Cela me fait autant de plaisir que si l’on doublait d’or mon pourpoint.

— Je vous remercie de la joie que vous en montrez ; mais en quoi cela vous touche-t-il ?

— En rien ; mais poursuivez : je crains que vous ne soyez bientôt interrompue ; les deux bonnes dames croassent depuis assez long-temps sur le balcon, telles que deux vieilles corneilles à capuchon ; et, pour que la fraîcheur du soir ne les enroue pas, elles rentreront au juchoir. Mais comment se nommait votre maîtresse, belle demoiselle ?

— Elle avait un nom bien connu, elle tenait un grand état de maison, avait beaucoup de jeunes filles à son service, sous la direction de ma tante Brigitte. Nous ne voyions jamais cette sainte maîtresse, mais nous en entendions assez parler ; nous nous levions de bonne heure et nous couchions tard ; nous faisions de longues prières et de légers repas.

— Foin de la vieille avare ! s’écria le page.

— Au nom du ciel, ne blasphémez pas ! » dit la jeune personne avec une expression de crainte : « que Dieu fasse grâce à tous deux ! Je parlais sans mauvaise intention. Notre maîtresse était la bienheureuse sainte Catherine de Sienne. Que Dieu me pardonne d’avoir parlé si légèrement, et de vous avoir poussé à un péché et à un blasphème ! Notre maison était un couvent, où il y avait douze religieuses et une abbesse, ma tante Brigitte, laquelle quitta ses fonctions quand les hérétiques détruisirent la communauté.

— Et où sont vos compagnes ?

— Avec la neige de l’année dernière, à l’est, au nord, au sud