Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/111

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car je ne puis me dispenser de suivre les règles que j’ai jurées, quoique les méchants aient détruit le saint lieu où nous devions les observer.

— C’est juste, ma sœur, reprit Madeleine ; il faut payer à l’Église jusqu’aux derniers grains de la dîme de la menthe et du cumin, comme dit l’Écriture, et je ne blâme pas votre observance scrupuleuse des règles de votre ordre. Mais elles furent établies par l’Église et pour l’Église, c’est pourquoi je pense que l’on doit aussi les enfreindre lorsqu’il s’agit de l’intérêt de l’Église. »

L’abbesse ne fit point de réponse.

Un observateur qui eût mieux connu le cœur humain que notre page sans expérience eût trouvé quelque plaisir à comparer les deux genres de fanatisme qui caractérisaient ces deux femmes. L’abbesse, esprit étroit, timide et mécontent, attachée à d’anciens usages, à de vieux privilèges que la réforme avait détruits, était, dans l’adversité, ce qu’elle avait été dans la prospérité, scrupuleuse, bornée, et bigote ; tandis que l’âme plus fière et plus indépendante de sa compagne prenait un essor plus élevé, et ne voulait pas se soumettre aux règles ordinaires dans les projets gigantesques que lui inspirait son imagination brûlante et hardie. Mais Roland Græme, au lieu d’observer les marques distinctives des caractères des deux vieilles dames, attendait avec anxiété le retour de Catherine, espérant probablement que sa grand’mère, qui paraissait disposée à traiter les choses de haute main, renouvellerait l’ordre du baiser fraternel.

Il fut toutefois trompé dans son attente ou dans son espérance, comme vous voudrez l’appeler ; en effet, lorsque Catherine rentra sur l’injonction de l’abbesse, et plaça sur la table une cruche de terre pleine d’eau, quatre assiettes de bois et quatre gobelets de même matière, la dame d’Heathergill, satisfaite d’avoir triomphé de l’opposition de l’abbesse, ne poursuivit pas plus loin sa victoire, modération dont son petit-fils ne lui sut pas en son cœur beaucoup de gré.

Catherine, continuant de préparer le repas monastique, plaça sur la table, pour tout mets, des choux bouillis, servis dans un plat de terre, sans autre assaisonnement qu’un peu de sel, et quelques morceaux peu considérables d’un grossier pain d’orge. Il n’y avait d’autre boisson que l’eau de la cruche dont nous avons déjà parlé. Après le benedicite prononcé en latin par l’abbesse, les convives prirent leur place autour de la table. La simplicité du