Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/129

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clameurs du dehors, pouvait être distinctement entendu, même au milieu du tumulte. « Paix, dit-il, ma sœur ; laissez le nouveau supérieur de Sainte-Marie répondre lui-même aux acclamations de ses vassaux qui viennent célébrer son installation. Et toi, mon fils, garde-toi, je t’en supplie, de toucher à ton glaive terrestre : si tel est le plaisir de notre patronne que son autel soit aujourd’hui profané par des actes de violence, et souillé par une effusion de sang, que ce ne soit pas, je t’en supplie, par le fait d’un fils catholique de l’Église. »

Le tumulte et les coups qu’on frappait à la porte devenaient de plus en plus bruyants ; on entendait des voix qui demandaient avec impatience à entrer. L’abbé, avec dignité, et d’un pas que l’imminence même du péril ne rendait ni chancelant ni précipité, traversa le portail, et demanda, d’un ton d’autorité, pourquoi l’on troublait le service divin, et ce qu’on désirait.

Il y eut en dehors un moment de silence, qui fut suivi d’un gros rire. À la fin, une voix répondit : « Nous désirons entrer dans l’église ; et, quand la porte sera ouverte, vous verrez qui nous sommes.

— Et de quelle autorité demandez-vous à entrer ? » repartit le révérend père.

— De l’autorité du très-vénérable seigneur abbé, » reprit la voix de dehors ; et au rire qui suivit, on pouvait croire qu’il y avait sous cette réponse une excellente plaisanterie.

« Je ne sais et ne cherche pas à savoir ce que vous voulez dire, répliqua l’abbé, puisque c’est à coup sûr une grossièreté ; mais allez-vous-en au nom de Dieu, et laissez ses serviteurs en paix. Si je parle ainsi, c’est que j’ai le droit légitime de commander en ces lieux.

— Ouvrez la porte ! » s’écria une autre voix d’un ton brutal : « nous comparerons nos titres avec les vôtres, sire moine, et vous montrerons un supérieur à qui nous devons tous obéir.

— Brisons les portes, s’il tarde plus long-temps, dit une troisième voix, et à bas les coquins de moines qui veulent nous enlever notre privilège ! » Ce fut alors une explosion générale : « Oui, oui, notre privilège ! notre privilège ! Enfonçons les portes, et à bas ces gredins de moines s’ils cherchent à résister ! »

Dès lors, au lieu de frapper à la porte, on se mit à l’attaquer avec de grands marteaux, et quelle que fût sa solidité, elle devait céder bientôt. Mais l’abbé voyant que la résistance était inutile,