Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/136

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peler de nouveau à ce qui pouvait rester de sentimens respectueux dans le cœur des vassaux du couvent, jadis si dévoués à leurs supérieurs spirituels. Hélas ! l’abbé de la Déraison n’eut qu’à faire un signe de sa fausse crosse, et les cris, les huées, les danses recommencèrent avec tant d’emportement que la voix de Stentor même n’aurait pu se faire entendre.

« Maintenant, camarades, » reprit tout-à-coup l’abbé de la Déraison, « fermez la bouche et faites silence. Voyons si le coq de Kennaquhair veut combattre ou quitter l’arène. »

Il se fit aussitôt un profond silence, causé par l’attente. Le père Ambroise en profita pour s’adresser à son antagoniste, voyant bien qu’il ne pourrait autrement se faire écouter. « Malheureux, dit-il, ne peux-tu mieux employer ton esprit charnel qu’à conduire ces aveugles et pauvres créatures dans un abîme de ténèbres ?

— En vérité, mon frère, répliqua Howleglas, je ne puis voir qu’une petite différence entre votre emploi et le mien : c’est que vous faites un sermon sur une plaisanterie, et que moi je fais une plaisanterie sur un sermon.

— Malheureuse créature ! dit l’abbé, qui n’a pas de meilleur sujet de plaisanterie que ce qui devrait te faire trembler, de divertissement plus raisonnable que tes propres péchés, et pas d’objets de raillerie plus convenables que ceux qui pourraient t’absoudre de ces péchés.

— En conscience, mon révérend frère, dit le faux abbé, ce que vous dites serait vrai si, en riant des hypocrites, je voulais rire de la religion : oh ! c’est une belle chose de porter une longue robe avec une ceinture et un capuchon ! Vous devenez ainsi un pilier de notre sainte mère l’Église ; et un enfant ne doit pas jouer à la balle contre les murs, de peur de briser les vitraux peints.

— Et vous, mes amis, » dit l’abbé regardant autour de lui et parlant avec une véhémence qui le fit tranquillement écouter pendant quelque temps, » souffrirez-vous qu’un bouffon profane, dans l’église même de Dieu, insulte ses ministres. Beaucoup d’entre vous, tous peut-être, vous avez vécu sous mes saints prédécesseurs qui furent appelés à commander dans cette église où je suis appelé à souffrir. Si vous possédez des biens en ce monde, c’est à eux que vous les devez ; et quand vous ne dédaigniez point de recevoir des biens plus précieux, les grâces et le pardon de l’Église ne furent-ils pas toujours à vos ordres ? ne priaient-ils pas pendant que vous étiez dans la joie ? ne veillaient-ils pas pendant votre sommeil ? »