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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/148

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avez profité des soins donnés à votre éducation, et souvent fait briller de nobles et bons sentiments. Il serait donc peu généreux, après vous avoir habitué à satisfaire vos caprices et vos fantaisies, de vous laisser là et de vous abandonner au hasard, parce que vous avez fait éclater cette fougue et cette haine de tout frein, défauts ordinaires d’une éducation trop indulgente. Par ces motifs, et pour l’honneur même de ma maison, j’ai résolu de vous prendre à ma suite jusqu’à ce que je vous aie trouvé une place honorable, qui vous mette à même d’avancer dans le monde, et de faire honneur à la famille dans le sein de laquelle vous avez été élevé. »

S’il y avait quelque chose dans les paroles de sir Halbert Glendinning qui pouvait flatter l’orgueil de Roland, ce compliment avait aussi, vu sa manière de penser, son côté défavorable. Néanmoins sa conscience lui dit aussitôt qu’il devait accepter avec reconnaissance l’offre qui lui était faite par l’époux de sa chère protectrice ; et sa prudence, quelque faible que cette vertu fût encore dans son âme, lui suggéra pourtant que son entrée dans le monde serait bien différente s’il y paraissait à la suite de sir Halbert Glendinning, renommé par sa sagesse, son courage et son crédit, ou sous les auspices de certaines personnes dont il lui fallait partager le sort incertain et exécuter les projets visionnaires ; car c’est ainsi qu’il appelait les desseins de Madeleine, sa vieille parente. Mais aussi, une violente répugnance à rentrer au service de gens qui l’avaient renvoyé avec mépris contre-balançait fortement ces considérations.

Sir Halbert regarda le page avec surprise, et continua : « Vous semblez hésiter, jeune homme. Avez-vous déjà pris par vous-même un si beau parti qu’il vous faille réfléchir avant d’accepter celui que je vous offre ? Ai-je besoin de vous rappeler que votre bienfaitrice, malgré l’offense qui l’obligea de vous congédier, voyant que vous allez vous précipiter sans guide dans un monde aussi agité que celui de notre Écosse, ne pourra s’empêcher d’en ressentir bientôt une vive douleur ; votre devoir, si vous ne voulez point agir en ingrat, est de lui épargner ce profond chagrin. Votre devoir, si vous ne voulez point agir en insensé, est encore d’accepter la protection que je vous offre pour votre sûreté personnelle ; car vous vous exposez corps et âme en la refusant. »

Roland Græme répondit d’une voix respectueuse, mais aussi avec quelque chaleur : « Je ne suis point ingrat pour tous les