Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/211

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« Eh bien ! mon ami, ce n’est jamais qu’un coup de houssine à travers le visage ; mouchez-vous, essuyez-vous les yeux, et vous n’en verrez que plus clair.

— Par cette lumière que je ne puis voir, répondit Adam, vous avez été un ami infidèle. Loin d’épouser ma juste querelle, vous m’avez empêché de me venger.

— Fi donc ! Adam, » répliqua Roland déterminé à mettre tout le tort du côté du vieux fauconnier, et à devenir à son tour le conseiller du bon ordre et de la tranquillité ; « fi ! vous dis-je : est-ce à vous de parler ainsi ? vous qui avez été envoyé ici pour préserver de toute embûche mon innocente jeunesse ?

— Je désirerais de tout mon cœur que votre innocente jeunesse eût la corde au cou, » s’écria Woodcock, qui commençait à voir où tendait l’admonition.

« Et au lieu de m’offrir, continua Roland, l’exemple de la prudence et de la sobriété, ce qui aurait convenu à un fauconnier de sir Halbert Glendinning, vous buvez je ne sais combien de pintes d’ale, outre un gallon de vin et une mesure entière d’eau-de-vie.

— Le pot était bien petit, » répliqua le pauvre Adam, que sa conscience réduisait à se tenir simplement sur la défensive.

« Il suffisait pour vous emporter joliment ; et alors, au lieu d’aller vous coucher pour cuver votre boisson, il faut que vous vous mettiez à chanter vos fanfaronnades sur les papes et les aveugles, jusqu’à perdre les yeux vous-même sous des coups de houssine. Sans mon intervention, quoique dans votre ivresse vous m’accusiez avec ingratitude de vous avoir abandonné, ce jeune gaillard vous aurait peut-être coupé la gorge ; car je le voyais tirer une épée large comme la main et affilée comme un rasoir. Et telles sont les leçons que vous donnez à un jeune homme sans expérience ! fi ! Adam, fi !

— Oui, amen, et de tout mon cœur ! fi de ma folie d’avoir attendu autre chose que des railleries impertinentes d’un page comme vous, qui, s’il voyait son père dans l’embarras, ne ferait qu’en rire, au lieu de lui prêter assistance !

— Je vous prêterai assistance, » dit le page en riant toujours ; « c’est-à-dire je vous donnerai le bras jusqu’à votre chambre, mon bon ami : vous y cuverez votre ale, votre vin, votre colère et votre indignation, et vous vous éveillerez demain matin avec tout l’esprit que la nature vous a prodigué. Mais je vous préviens d’une chose, mon bon Adam, c’est qu’à l’avenir et pour toujours, lorsque vous