Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/246

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régent du royaume durant la minorité du jeune roi : il a déjà reçu sa nomination du conseil secret. »

La reine fit entendre une espèce de soupir, et joignant ses mains, elle s’écria : « La flèche vient-elle de son carquois ? est-elle lancée par l’arc de mon frère ? Hélas ! je regardais son retour de France comme ma seule, ou du moins comme ma plus prompte chance de délivrance ; et cependant, lorsque j’ai appris qu’il s’était chargé du gouvernement, je me suis douté qu’il rougirait de commander en mon nom.

— je dois vous prier, madame, dit lord Ruthven, de répondre à la demande du conseil.

— La demande du conseil ! reprit la reine, dites plutôt à la demande d’une bande de brigands, impatients de se partager les dépouilles dont ils se sont emparés. À une demande telle, et faite par la bouche d’un traître, dont la tête aurait été depuis long-temps clouée aux portes d’Édimbourg, sans la pitié qui m’a retenue, Marie d’Écosse n’a point de réponse à faire.

— J’espère, madame, dit lord Ruthven, que ma présence, qui vous est désagréable, n’ajoutera pas à votre obstination ; vous devriez vous rappeler que la mort de votre favori Rizzio a coûté à la maison de Ruthven sa tête et son chef. Mon père, qui valait mieux qu’un état tout entier peuplé de pareils sycophantes, est mort en exil et le chagrin dans le cœur. »

La reine se couvrit le visage de ses mains, et, restant les bras appuyés sur la table, elle pencha sa tête et pleura si amèrement qu’on voyait deux ruisseaux de larmes couler à travers ses doigts blancs et effilés, avec lesquels elle s’efforçait de les cacher.

« Milords, dit sir Robert Melville, c’est trop de rigueur. Avec la permission de vos Seigneuries, nous sommes venus ici non pour faire revivre d’anciens griefs, mais pour trouver le moyen d’en éviter de nouveaux.

— Sir Robert Melville, répliqua Ruthven, nous savons bien pourquoi nous avons été envoyés : aussi était-il inutile que nous nous fissions accompagner par vous.

— Oui, par mon épée, s’écria lord Lindesay. Je ne sais pas pourquoi on nous a embarrassés de ce bon chevalier, à moins qu’il ne vienne jouer le rôle du morceau de sucre que les apothicaires mettent dans leurs médecines amères lorsqu’ils veulent les faire prendre à un enfant rétif. Mais cela n’est pas nécessaire lorsqu’on a les moyens de faire avaler la médecine autrement.