Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/296

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de Lochleven, il avait, par leur crédit, obtenu la position assez agréable dont il jouissait sur les bords de ce beau lac. Les profits de son office de chambellan étaient modestes, surtout dans ces temps de troubles ; mais il les avait un peu améliorés par la pratique de sa première profession ; et on disait que les habitants du village et de la baronnie de Kinross n’étaient pas plus assujettis au moulin du baron qu’ils ne l’étaient au monopole médical du chambellan. Malheur à la famille du riche paysan qui osait partir de cette vie sans un passeport du docteur Luc Lundin ! car si ses héritiers avaient quelque chose à régler avec le baron, et cela était presque inévitable, ils étaient sûrs de ne trouver qu’un ami bien froid dans le chambellan. Il était assez prudent cependant pour délivrer gratuitement les pauvres de leurs maladies, et quelquefois aussi de tous les autres maux en même temps.

Doublement formaliste comme médecin et officier civil, et orgueilleux des lambeaux de science qui rendaient presque toujours ses discours inintelligibles, le docteur Luc Lundin approcha du rivage et salua le page qui s’avançait vers lui. « Que la fraîcheur du matin descende sur vous, beau sire ! Vous êtes envoyé, je gage, pour voir si nous suivons ici la mode que Son excellente Seigneurie nous a prescrite, d’extirper toutes cérémonies superstitieuses et toutes frivoles vieilleries dans ces jours de fête. Je sais que notre bonne maîtresse aurait bien désiré les abolir et les abroger entièrement ; mais, comme j’ai eu l’honneur de lui dire en lui citant une phrase des ouvrages du savant Hercule de Saxe : Omnis curatio est vel canonlca vel coacta ; ce qui signifie, beau sire (car la soie et le velours possèdent rarement leur latin ad unguem) : chaque guérison peut être opérée soit par art, soit par induction de règle, et par contrainte ; et les meilleurs praticiens choisissent toujours le premier moyen. Or, Sa Seigneurie ayant bien voulu goûter cet argument, j’ai eu soin de mêler l’instruction et la précaution au plaisir, fiat mixtio, comme nous disons : en sorte que je puis répondre que les esprits vulgaires seront purgés et désinfectés des erreurs papistes et des préjugés de vieilles femmes par le médicament administré ; et alors les primœ viœ étant débarrassées, maître Henderson, ou tout autre pasteur capable, pourra employer à volonté les toniques et effectuer une cure morale parfaite tutô, citô, jucundè.

— Je ne suis pas chargé, docteur Lundin, dit le page, de…

— Ne m’appelez pas docteur, interrompit le chambellan, puis-