Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/298

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retournant vers Roland : « Je vous garantis que nous aurons des nouvelles dans peu de temps. En attendant, si vous vouliez examiner les divertissements ; mais d’abord entrez dans mon pauvre logis et prenez le coup du matin, car que dit l’école de Salerne ?

Poculum mane haustum
Restaurat naturam exhaustam[1]

— Votre savoir est trop fort pour moi, répliqua le page, et je crains qu’il n’en soit de même de votre boisson.

— Nullement, beau page, un cordial de vin des Canaries, imprégné d’absinthe, est la meilleure boisson antipestilentielle ; et, pour dire la vérité, les miasmes morbifiques sont maintenant très-communs dans l’atmosphère. Nous vivons dans un heureux temps, jeune homme, » continua-t-il d’un ton de gravité ironique, « et nous jouissons de mille agréments inconnus à nos pères. En Écosse il y a deux souverains : l’un sur le trône, l’autre qui réclame le trône ; c’est bien assez de deux échantillons d’une si bonne chose, mais si l’on en veut davantage on peut trouver un roi dans chaque tourelle de la contrée : ainsi, si nous manquons de gouvernement, ce n’est pas manque de gouvernants. Nous avons une guerre civile tous les ans pour nous rafraîchir et pour empêcher qu’on ne meure par manque d’aliments, et pour le même objet nous avons la peste qui se propose de nous faire une visite, la meilleure de toutes les ordonnances de médecin pour faire de la place sur la terre et pour rendre les cadets, aînés de la famille. C’est bien, chaque homme a sa vocation. Vous, jeunes gens qui portez l’épée, vous désirez lutter, faire des armes ou bien vous livrer à tout autre exercice martial avec un adversaire adroit : pour ma part, j’aime à m’essayer à la vie et à la mort contre la peste. »

Comme ils montaient la rue du petit village en se dirigeant vers la maison du docteur, son attention fut successivement occupée par divers personnages qu’il rencontrait et qu’il désignait aux regards de son compagnon.

« Voyez-vous ce gaillard avec son bonnet rouge, son jerkin bleu, et ce gros gourdin à la main ? Je crois que ce paysan a la force d’une tour ; il est depuis cinquante ans sur la terre, et il n’a jamais encouragé les arts libéraux en achetant des médicaments seulement pour un penny. Mais, voyez cet homme avec facies

  1. Un verre de bon vin pris à jeun restaure la nature épuisée. a. m.