Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sion latine. Puis il se retira dans un coin pour voir le résultat.

Au bout d’une ou deux minutes, Madeleine Græme entra dans l’appartement, vêtue comme le jour de la fête, mais elle avait rejeté en arrière sa mentonnière, et laissé de côté tout déguisement : elle était escortée par deux gardes dont elle semblait ne pas remarquer la présence, et qui la suivaient d’un air embarrassé et timide, causé assurément par leur croyance en son pouvoir surnaturel, et par sa démarche hardie et intrépide. Elle envisagea la dame de Lochleven, qui parut endurer avec le plus grand dédain son regard plein de confiance.

« Misérable femme ! » dit la dame, après avoir essayé un instant de lui faire baisser les yeux par la sévérité majestueuse de son regard ; « quelle est cette poudre que tu as donnée à un serviteur de cette maison, Robert Dryfesdale, pour accomplir une vengeance lente et secrète ? avoue sa nature et sa propriété, ou de par l’honneur de Douglas, je te livre au bûcher avant que le soleil soit descendu sous l’horizon !

— Hélas ! répondit Madeleine Græme, et depuis quand un Douglas, ou un serviteur de Douglas, aurait-il si peu de moyens de vengeance qu’il viendrait les demander aux mains d’une femme pauvre et solitaire ? Les tours dans lesquelles vos captifs languissent jusqu’à ce qu’ils tombent dans la fosse sans être regrettés, ces tours sont encore fermes sur leurs fondations… Les crimes qui s’y sont commis n’en ont pas encore fait crever les voûtes… Vos hommes ont encore leurs arbalètes, leurs pistolets et leurs poignards… Pourquoi auriez-vous recours aux herbes et aux charmes pour exécuter votre vengeance ?

— Écoute-moi, horrible sorcière, dit la dame de Lochleven… mais à quoi bon lui parler davantage ?… Qu’on amène Dryfesdale, et qu’on les confronte ensemble.

— Épargnez cette peine à vos serviteurs, reprit Madeleine Græme ; je ne suis pas venue ici pour être confrontée à un palefrenier, ni pour répondre aux questions de la concubine de Jacques l’hérétique… Je suis venue pour parler à la reine d’Écosse… faites place ! »

Et tandis que la dame de Lochleven était confondue de tant de hardiesse, et de l’insulte qui venait encore de la frapper, Madeleine Græme passa devant elle dans la chambre de la reine, et s’agenouillant, elle s’inclina comme si, à la manière orientale, elle voulait toucher la terre de son front.