Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/413

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que effet ; mais la vive lumière, la bruyante détonation, répétée par l’écho de Bennarty, remplirent les fugitifs de terreur et les portèrent au silence. La barque était déjà parvenue le long d’un quai rocailleux qui s’élevait au lieu où ils devaient débarquer, et qui donnait dans un jardin d’une grande étendue, qu’aucune des dames n’osait proférer une parole. Tout le monde prit terre ; et tandis que l’abbé, à haute voix, remerciait le ciel qui avait ainsi favorisé cette miraculeuse évasion, Douglas jouissait de la plus belle récompense de son entreprise désespérée : il prenait la main de la reine pour la conduire dans la maison du jardinier. Cependant, n’oubliant point Roland Græme dans ce moment de terreur et de fatigue, Marie donna ordre à Seyton de prendre soin de lady Fleming, tandis que Catherine, de bon cœur et sans que la chose lui fût commandée, s’attacha au bras du page. Seyton confia aussitôt le soin de lady Fleming à l’abbé, alléguant qu’il avait à faire préparer des chevaux ; et ses domestiques, s’étant débarrassés de leurs habits de matelots, se hâtèrent d’aller l’aider.

Tandis que Marie passait dans la chaumière du jardinier quelques minutes qui étaient nécessaires à la disposition des chevaux pour leur départ, elle aperçut dans un coin le vieillard auquel le jardin appartenait, et lui dit d’approcher. Il obéit, mais presque avec répugnance.

« Comment, dit l’abbé, venir si lentement pour accueillir notre royale reine et maîtresse, et la féliciter de ce qu’elle est libre dans son royaume ? »

Le vieillard, ayant reçu cet avertissement, s’approcha, et par un discours assez bien tourné félicita Sa Majesté sur sa délivrance. La reine lui rendit le remercîment de la manière la plus gracieuse, et ajouta : « Il nous reste à vous offrir quelque prompte récompense pour votre fidélité ; car nous n’ignorons pas que votre maison a long-temps été le lieu où nos fidèles serviteurs se sont rassemblés afin de prendre des mesures pour notre liberté. » Ayant parlé ainsi, elle lui offrit de l’or, et ajouta : « Nous reconnaîtrons plus convenablement vos services par la suite.

— Agenouillez-vous, mon frère, dit l’abbé, agenouillez-vous et remerciez Sa Majesté de son extrême bonté.

— Bon frère, qui étais jadis à quelques degrés au-dessous de moi, et qui es encore plus jeune de beaucoup d’années, » répliqua, non sans quelque aigreur le jardinier, « permets-moi de faire mes remercîments à ma façon. Autrefois des reines se sont agenouillées devant