Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/65

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que le temps ne passera pas plus agréablement pour elle, maintenant qu’il est parti. Elle aura donc à se choisir un nouveau joujou, et vous pouvez compter qu’elle n’en manquera pas.

— Et où devrait-elle le choisir, si ce n’est parmi ses serviteurs fidèles et éprouvés, qui ont mangé son pain et bu son vin durant tant d’années ? J’ai connu plus d’une dame, d’un rang aussi élevé que le sien, qui n’a jamais pensé à avoir d’autre amie, ou d’autre favorite que sa femme de chambre, toujours en ayant en même temps tous les égards convenables pour l’ancien et fidèle majordome, M. Wingate.

— Vraiment, mistress Lilias, je vois en partie le but auquel vous visez, mais je doute que votre trait l’atteigne. Dans l’état de choses qu’il vous plaît de supposer, ce ne seront ni les barbes plissées de votre bonnet, soit dit avec tout le respect qui leur est dû, ni mes cheveux gris, ni ma chaîne d’or, qui rempliront le vide que le départ de Roland Græme laissera nécessairement dans les loisirs de notre maîtresse. Ce sera un jeune ecclésiastique, fort savant, prêchant une nouvelle doctrine ; un docte médecin exaltant les vertus d’une nouvelle drogue ; un vaillant cavalier à qui on ne refusera pas la permission de porter ses couleurs à une course de bague ; un adroit joueur de harpe qui par son talent enlèverait le cœur du sein d’une femme, comme on dit que le signor David Rizzio a enlevé celui de notre pauvre reine ; voilà l’espèce de gens qui remplacent la perte d’un beau jeune favori, et non un vieux majordome ou une femme de chambre d’un certain âge !

— Eh bien ! vous avez de l’expérience, monsieur Wingate ; et vraiment je voudrais que mon maître renonçât à courir çà et là, et s’occupât davantage des affaires de sa maison. Nous aurons du papisme après tout cela au milieu de nous ; car savez-vous ce que j’ai trouvé parmi les habits du beau monsieur ? un chapelet à grains d’or ! les ave et les credo aussi, je vous assure ! Je me suis jetée dessus comme un faucon.

— Je n’en doute pas, je n’en doute pas, » dit le majordome en remuant la tête d’un air plein de sagacité ; « j’ai souvent remarqué que le jeune homme se livrait à des pratiques qui sentaient le papisme, et qu’il avait grand soin de les cacher. Mais vous trouverez un catholique sous le manteau du presbytérien, aussi souvent qu’un fripon sous le capuchon du moine. Ce sont de très-beaux grains de chapelet, » ajouta-t-il en regardant attentivement le bijou, « et ils peuvent peser quatre onces d’or fin.