Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/66

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— Et je veux les faire fondre tout de suite, dit-elle, avant qu’ils égarent quelque pauvre âme aveugle.

— Très-prudemment pensé, mistress Lilias, en vérité, » dit le majordome avec un signe d’assentiment.

« Je veux en faire une paire de boucles de souliers, ajouta mistress Lilias ; je ne voudrais pas porter les colifichets du pape, ou quelque chose qui en aurait eu la forme, un pouce au-dessus de mon cou-de-pied, quand même ce seraient des diamants au lieu d’être des grains d’or. Mais voilà ce que nous avons gagné par les visites du père Ambroise au château, avec la mine hypocrite d’un chat qui guette le moment de voler de la crème.

— Le père Ambroise est le frère de notre maître, » objecta gravement le majordome.

— Cela est vrai, maître Wingate, répondit Lilias ; mais est-ce une raison pour qu’il vienne pervertir les fidèles sujets du roi et en faire des papistes ?

— Que Dieu nous en préserve, mistress Lilias ! » répondit le sententieux majordome, « et cependant il y a des gens qui sont pires que des papistes.

— Je ne sais où l’on pourrait les trouver, » dit la femme de chambre avec un peu d’aigreur ; « mais je crois, monsieur Wingate, que si l’on vous parlait du diable lui-même, vous diriez qu’il y a des gens qui sont pires que Satan.

— Assurément, je le dirais, répliqua le majordome, en supposant que je visse Satan debout à côté de moi. »

La femme de chambre tressaillit ; et, après s’être écriée : « Que Dieu nous bénisse ! » ajouta : « Je m’étonne, monsieur Wingate, que vous preniez plaisir à effrayer ainsi les gens.

— Pardon, mistress Lilias, ce n’était pas là mon intention, répliqua le majordome ; mais écoutez un peu : les papistes n’ont le dessous que pour le moment ; et qui sait combien de temps ce mot moment durera ? Il y a deux grands comtes papistes dans le nord de l’Angleterre, qui ont en abomination le mot réformation ; je veux dire les comtes de Nothumberland et de Westmoreland, hommes assez puissants pour ébranler quelque trône que ce soit dans la chrétienté. Ensuite, quoique notre roi d’Écosse, que Dieu le bénisse ! soit bon protestant, cependant il y a sa mère, qui était notre reine… J’espère qu’il n’y a pas de mal à dire aussi : que Dieu la bénisse !… Elle est catholique ; et il y a bien des personnes qui commencent à croire qu’on s’est conduit trop durement