Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/81

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religion de Rome. Dans plusieurs endroits, les vices du clergé catholique, provenant de la richesse et de la corruption de cette hiérarchie formidable, ne justifiaient que trop la terrible vengeance exercée sur les magnifiques édifices qu’ils habitaient. Un vieil historien écossais donne un exemple remarquable du parti que l’on tirait de ce prétexte.

« Pourquoi vous affliger ? » disait une vieille matrone en voyant le mécontentement de quelques citoyens lors de l’incendie d’un superbe couvent où le peuple avait mis le feu ; « pourquoi vous affliger de cette destruction ? si vous connaissiez la moitié des crimes abominables qui se sont commis dans cette maison, vous béniriez plutôt la justice divine : cette justice ne permet pas même aux murs insensibles qui voilaient tant de débauches, d’embarrasser plus long-temps la terre chrétienne. »

Mais, quoique, dans bien des cas, la destruction des bâtiments des catholiques romains ne fût, selon la matrone, qu’un acte de justice, et dans d’autres, un acte de politique, cette fureur de démolir les monuments de la piété et de la munificence des siècles, surtout dans un pays pauvre comme l’Écosse où il n’y avait pas de chance de les remplacer, était certainement un acte de violence inutile, et de stupide barbarie.

La solitude tranquille et modeste du moine de Saint-Cuthbert l’avait jusqu’alors sauvé du naufrage général ; mais la destruction avait enfin étendu son bras jusqu’à lui. Inquiet de savoir s’il avait au moins échappé à tout danger personnel, Roland Græme entra dans la cellule à demi ruinée.

L’intérieur du bâtiment était dans un état qui justifiait pleinement l’idée qu’il s’en était faite d’après l’aspect du dehors. Le peu d’ustensiles grossiers que possédait le solitaire étaient brisés et épars sur le sol, où il semblait qu’on eût allumé du feu avec quelques débris pour achever de tout détruire, et pour consumer surtout la vieille et grossière image de saint Cuthbert dans ses habits épiscopaux. Elle était étendue sur le sol comme Dagon, brisée à coups de hache et entamée par les flammes, mais non entièrement détruite. Dans le petit appartement qui servait de chapelle, l’autel avait été renversé, et les quatre grosses pierres qui le composaient jadis étaient éparses sur la terre. Le gros crucifix de pierre qui occupait la niche derrière l’autel en avait été précipité, et par son propre poids s’était brisé en trois morceaux. On voyait les traces des coups de marteau sur chaque portion ; néanmoins,